mercredi 8 avril 2009

Logorallye puissance 12 (Roger invité par Cécile)

Si ma phlébite t’excite, presse ma bitte » suggéra le petit-fils de marin.
-Ben voyons, etpuisquoiencore, çà nous manquait, tu nous fais chier avec ton orthographe, espèce de dactylographe.
-Je dois m’expliquer, ce n’est pas drôle, mais c’est une réalité, j’ai mal, aux jambes, aux bras, aux pieds, je bois, je bois, ça va bien, je rebois, ça me fait mal, j’ai mal aux veines, ça ne circule plus, alors, je me fais couler un bain froid, les pieds dans l’eau, et hop, je bois , je bois, j’ai la vie devant moi, alors je rebois et j’ai remal… alors, je m’allonge, j’essaie d’oublier mon mal.
-T’as qu’à moins boire.
-Ouais, c’est ça. Je m’allonge, et je me souviens, je me souviens d’un temps sans varices, sans hémorroïdes, sans flatulences pestilentielles, je me souviens d’un temps où je n’avais pas mal aux jambes, où je tentais de faire du vélo, un petit vélo que j’allais chercher au fond de la cour, un petit vélo d’un bleu outremer avec une selle en cuir, une sonnette rose et un guidon chromé, des pédales qui venaient d’Italie, de Tarquinia, d’une petite entreprise, disparue aujourd’hui, Au sourire étrusque, avec cette femme allongée gravée dans l’acier, un sourire que je trouvais sensuel voire concupiscent aux lèvres, sur des pédales…Et je tentais, je tentais de trouver un équilibre, d’y aller, de me propulser, je tentais de faire du vélo, de tenir…Je priais le parlement des dieux des cyclistes qu’il exauça mes vœux, je fis des collections de poèmes à la gloire du cadre :
« Oh vous, Dieux de la pédale,
Faites que je soupire, triomphant,
Sans effort , y’a que dalle
Le vélo, c’est décoiffant »
Je voulais tenir, bien, l’esprit ailleurs, sans angoisse, sans celle du gardien de but avant le penalty, ou celle du premier baiser. Cinquante-trois jours ! Ça m’a pris cinquante-trois jours avant que je n’y arrive ! Après le miracle de la stabilité, j’avais un sourire fat aux lèvres, un sourire de mépris pour ceux de mon age qui n’y arrivaient pas, à pédaler comme moi, si loin, si vite, sans mal aux jambes. Et vint la première chute dont je garde encore le souvenir dans ma chair, chute qui me couvrit d’onguents, de pommades, comme un vieux débris promis à une mort à Venise, à Tarquinia ou à Sancergues…J’allais sur les routes, la tête au vent, libre, sans contrainte à la con, les bras parfois ballants, écrasant de tout mon poids ces petites dames étrusques, rêvant d’aller jusqu’à la mer, loin, là-bas, derrière les collines, mais je n’accédais en fait de rivage des Syrtes ou des Thraces qu’aux berges enherbées de la Vauvise, petite rivière que mon marin de grand-père aurait dédaignée, impraticable aux trois hommes dans un bateau qu’il avait coutume de commander
-Mais la bitte ?
-Je suis vieux mirliton et petit-fils de marin, vous comprenez bien…

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