dimanche 21 mars 2010

Exercice des Papous - Allais (Sandrine)

Jeu proposé par les Papous de France culture: écrire un texte en vers ou en prose reprenant ces dix mots issus d'un texte d'Alphone Allais:

- anglaise

- rigolo

- toupet

- gazouillant

- taureau

- froidement

- système

- automatique

- échantillon

- mine

Distractions

Elle ponctuait ses phrases par de petits hochements de tête. A chaque virgule, sa boucle d’oreille droite venait frapper contre son cou, griffant sa chair d’une marque rouge à peine perceptible, et à chaque point, les anglaises qui encadraient son front se tordaient de haut en bas comme de vieux ressorts de matelas. « … et ils trouvaient ça vulgaire que je ne trouve pas ça rigolo ! Non mais quel toupet » Elle me racontait pour la dixième fois au moins le spectacle qui l’avait mise en rage la veille au soir. Sa colère n’empêchait ni les merles de venir picorer les miettes abandonnées au coin de son assiette, ni les moineaux de s’éloigner en gazouillant à leur approche. « … ce pauvre taureau, poursuivi sans relâche par ces gars au costume ridicule, avec tous ces Madrilènes sangsues qui applaudissent à tout rompre dès que les peones se pointent pour lui enfoncer froidement leurs banderilles dans l’épaule… » Elle attaquerait bientôt le couplet sur la violence du monde et la brutalité du système. Elle se dirait bientôt qu’il vaudrait mieux « dégommer tous ces cons à l’arme automatique » après leur avoir fait bouffer ces trophées qu’ils prélevaient sur la bête encore tiède après l’estocade, « comme autant d’échantillons de leur cruauté ». Je faisais mine d’acquiescer et pourtant, je ne voyais que ce moustique qui, inéluctablement, remontait vers son genou.

Textée de Cécile (Sandrine)

Textée dont les consignes furent données par Cécile sans mention du texte original, comme de bien entendu:

  1. Présentez un personnage féminin étourdi.
  2. Ce personnage formule une requête au moyen d’une ouverture.
  3. Un quidam effrayant lui vient en aide
  4. Un impératif, puis un vocatif, rassurent partiellement le premier personnage.
  5. Evoquez par deux fois une forme musicale binaire
  6. Evoquez une fois une forme musicale plus complexe
  7. Renchérissez en évoquant une forme musicale conclusive.
  8. Laissez s’exprimer le premier personnage.
  9. Une double interrogative laisse poindre ses espoirs.
  10. Le second personnage s’exprime
  11. En laissant entendre un chantage mercantile.
  12. [Evoquez par deux fois une forme musicale binaire
  13. Evoquez une fois une forme musicale plus complexe
  14. Renchérissez en évoquant une forme musicale conclusive] à copier coller du 5-6-7
  15. Le premier personnage conclut
  16. En mêlant animalité et sensualité, sous la forme d’une proposition hypothétique suivie d’une proposition principale
  17. Le second personnage exprime un refus (sous la forme d’une proposition relative)
  18. En forme d’échange commercial qui clôt le contrat.

Dame Oiselle n’avait pas vu la vitre. « Si seulement cette maudite fenêtre avait été ouverte… », Soupirait-elle, allongée sur le gravier, en frottant son bec du bout de son aile meurtrie. Soudain surgit un museau énorme, puis deux yeux très verts : Monsieur Le chat se pencha sur Dame Oiselle :

- Oisillon si frêle, grimpe sur mon échine courbe, monte donc sur mon rond dos.

Dans les cimes alentours, la symphonie des gazouillis se tut. Point d’orgue de ce prompt silence, le vent aussi semblait suspendu dans les feuillages. Oiselle endolorie leva la tête vers ces cordiales moustaches :

- Comment, Monsieur ? Me proposeriez-vous de me raccompagner au nid ?

Le sourire de son interlocuteur s’élargit :

- Si fait, l’oiseau ; si tu te montres aimable, je saurai t’en rendre grâce. Allons, grimpe sur mon échine courbe, monte sur mon rond dos. Je te préfère aux nymphes honnies qui n’aiment point d’ogre.

- Monsieur Le chat, marché conclu ! Je me glisserai dans votre pelage et si vous m’amenez jusqu’en mon aulne, vous aurez mon amitié indéfectible.

-.. qui me fait une belle patte, merci bien. Donne-moi au moins ta langue ou je te croque ici.

dimanche 14 mars 2010

Textée de Sandrine. (Cécile)


La solution se trouve dans le commentaire de la textée écrite par Ande, dont les consignes se trouvent ici.

Cafetière rouge comme le soleil couchant
Café qu’accompagne la brume de Smog chantant
Qu’en robe de chambre buvait Balzac comme opium, comme calmant
Café que je tourne et tourne à la cuillère
« Tchita la créole », je ne semble pas assez énervé
Pour une belle concentration, qu’est-ce que je donnerais
Comme je voudrais être Tigresse du désert
Ou prendre l’énergie de Jeanne Calmant
O thé, O café, O pium, deviens ma vertébrale colonne !
Deviens ma muse domestique, en glougloutant légèrement !
Rien ne vient, café froid, triste reflet morne
Malgré café, thé, opium… Tiens, le fond du pot, de l’être ?
L’idée arrive enfin… Refaire du café, peut-être ?

(Collage de Philippe Lemaire).

jeudi 4 mars 2010

Textée Mystère (Ande)


1) Décrivez ce que vous avez devant vous en usant d’une comparaison lumineuse
2) Un air maussade vous rappelle Canaletto
3) Dans une relative nocturne, la mélopée évoque la polygamie et le sacré
4) En ranimant vos fantasmes fétichistes
5) Dans un sursaut d’énergie, lancez un appel digne d’un prolétaire de comédie musicale pour enfants
6) Vous souhaitez fuir vos troubles
7) Réclamez ce qui pourrait être une chanson paillarde
8) Ou une créature de légende
9) Usez d’un double vocatif à tendance triplement liquide et une double personnification
10) Evoquez un trésor malingre et son action narcissique dans un semi-oxymore précédant un gérondif complément circonstanciel de manière
11) La continuité de votre trouble vous plonge dans un pessimisme morbide
12) Malgré le retour à l’être pluriel et ses prières païennes emplies d’espérance
13) Votre souffrance s’arrête brutalement, mais peut-être ne fait –elle que commencer ?

L’écran de l’ordinateur éclaire ma nuit blanche. J’écris. Branchée sur Radio Classique, j’écoute distraitement, maussade, un air de Monteverdi. Ne pas allumer ma lampe de bureau, rester dans la pénombre. La lune luit, pleine. Cette musique d’église me rappelle une rencontre brève et intense. Un amant aimé, un Don Juan, briseur de cœurs. Eteindre la radio. Ne pas se laisser aller à la mélancolie des jours heureux. Allez ! Se reprendre, ne pas jouer à l’épouvantail effrayé par des allumettes ! Fuir son reflet qui me hante, l’odeur de son corps que j’ai encore en mémoire. Je vais écouter « les marins » de Brassens en pensant très fort à Georges Clooney ! La meilleure façon de l’oublier c’est de penser à son clone (ah ! ah !) en buvant un bon Cognac ! Je garde en moi cette image devenue floue d’un être que j’aime et qui n’est plus ni tout à fait le même ni encore un autre ! En pensant à lui, je me remémore notre rencontre dans ce restaurant. Cet éclair qui m’a traversé le cœur en le voyant, ce sentiment d’une évidence entre nous. Bah ! A quoi bon espérer encore ! Je voudrais être ailleurs de moi-même ! « Etre tout, être deux et ne pas l’être. Hélas ! Voilà encore un des rêves que je ne parviens pas à réaliser. Si j’y parvenais, je mourrais peut-être … » disait Pessoa. L’aube point, la douloureuse nuit s’en va. Une belle journée s’annonce pleine d’espérance ou d’amertume ? A voir.

Exercice des Papous - Allais (Ande)



A partir de dix mots, pris dans une histoire d'Alphonse Allais, à faire vivre dans un récit (10 ou 15 lignes) à imaginer : roman d'amour, conte pour enfants, discours, scène de la vie quotidienne etc... En prose, ou en vers.

- anglaise
- rigolo
- toupet
- gazouillant
- taureau
- froidement
- système
- automatique
- échantillon
- mine

Pour corser l’affaire, rajouter : la cuve à gaz est partie, elle dérive dans le jardin.

Echantillon de vie rurale.

Mélancolie à l’aube du jour, la pierre entend son cœur battre : il pleut inexorablement. Le taureau du champ voisin regarde froidement la scène les pieds dans l’eau. (Un tableau rigolo entre Virginie Ressy et René Fallet).
La cuve à gaz est partie, elle dérive dans le jardin.
On entend au loin, le système d’alarme automatique de l’Anglaise du bout de la rue, gazouillant une Aria de Bach (la 3ème suite évidemment !).
La pâquerette a mauvaise mine elle se noie, le fenouil pousse : quel toupet !
Une attente impatiente s’installe : la fin du déluge.

Crimes exemplaires- Culinaire. (Sandrine)

Si je n’ai pas mes huit heures à table je suis un homme perdu, un peu comme un blanc d’œuf sans jaune, et j’avais dû engloutir le repas en sept minutes. Il était deux heures, l’heure où le dîner aurait dû s’achever dans la bonne humeur, et ils étaient repus, ils étaient vautrés dans les fauteuils, béats, babas ramollis de mauvais rhum antique. Et Dieu sait que je n’avais pu faire autrement que de les inviter à dîner : potage de fenouil, coquilles St-Jacques au safran, cuisseau de sanglier rôti, airelles en coulis, plateau de fromage ET ronde de desserts. Ils jacassaient comme des pies, ils caquetaient comme des chapons avant l’Avent, à n’en plus finir, et se relançaient l’un à l’autre la conversation, ils l’emmêlaient de bredouillis, leur ignorance flottant à la surface de leur bavardage comme autant d’yeux graisseux surnageant dans un bouillon, et parlaient à tort et à travers de choses inutiles, vulgaires pommes vapeur d’une sottise sans condiment. Et je devais porter verres de cognac, Napoléon, XO hors d’âge, et autres tasses de café, Kopi Luwak de Sulawesi, ils les buvaient sans y prêter la moindre attention, et en y ajoutant du sucre, les mufles ! Soudain il lui vint à l’idée, à elle, que nous pourrions reprendre leur pari stupide du « qui qui bouffe le plus vite ? », un peu plus tard, avec une soupe à l’ail. (Ma cuisinière est très réputée). Je n’en pouvais plus : comment oser réclamer une soupe à l’ail après la charlotte aux fruits ? Je les avais invités à dîner parce que je ne pouvais faire autrement, parce que je suis bien élevé et que je crois en la vertu pacificatrice des agapes partagées. Mon menu s’avérait décidément être perle à des porcelets. Ils étaient arrivés plus ou moins à neuf heures et demie, sans prendre le temps d’un apéro, ils m’avaient fait dépenser la moitié de mon salaire chez le traiteur, avaient dévoré les mets les yeux rivés au chronomètre, vidé ma cave en un clin d’œil, il était deux heures du matin et ils ne semblaient pas vouloir s’en aller. Je ne pouvais chasser la crème anglaise de ma pensée, son ruban blond qui n’attendait que de s’étirer de nouveau vers mon palais, parce que je ne pouvais en reprendre maintenant, car, au-delà de tout : je suis bien élevé, au lait frais et entier, pas au carton UHT. J’avais dû enfourner quatre plats en sept minutes et si je ne savoure pas durant mes huit heures je suis morne toute la journée, rugueux comme un dos de thon, et de surcroît ce qu’ils racontaient ne m’intéressait pas, absolument pas. Pas un pour relever la saveur d’un fruit, les tanins du vin, le velouté d’un plat. Bien entendu j’aurais pu agir comme un être grossier et d’une façon ou d’une autre leur dire de s’en aller, tout faire retomber comme un soufflé. Mais ce n’est pas dans ma manière. Ma mère qui fut veuve très jeune m’a inculqué les meilleurs principes. Ainsi, je ne parfume ma purée de carottes que de quelques feuilles de thym, pour la relever un peu, sans en gâter le fumet. Mais là, je n’avais qu’une seule envie : lécher la casserole restée sur la table de la cuisine, et dormir, le reste m’importait peu. Je n’avais pourtant pas tellement faim, ni sommeil, je pensais seulement à l’envie que j’en aurais le lendemain : voir mon doigt disparaître dans un petit monticule de vanille fondue que je lècherais avec délectation, renonçant à me brosser les dents, et ouvrir ma journée dans le souvenir de la gousse sur mes papilles qui me ferait vivre plus doux. Et puis mon éducation m’empêchait de simuler ces rots qui sont le moyen habituel des personnes ordinaires, celles qui recourent aux produits sous cellophane, jetés sans amour au fond d’un panier de supermarché, pour se débarrasser de la corvée repas, après une longue journée de labeur.
Et vous par-ci et vous par-là et les Big Mac, et le Coca, et ça et le reste. Le cheeseburger, le plat en carton, le soda en boîtes le restauroute, le maïs transgénique, le Capitaine Igloo (je déteste le poisson pané). Le samedi un hot-dog (je déteste les saucisses industrielles). Ah ! la quattro stagioni surgelée ! (à ce moment-là je détestais aussi l’Italie) et le prêt-à-manger qui ronflait et ronflait
Et vous, qu’en pensez-vous ? Et vous, et vous et vous Et Quick, et Pizza Hut, et Burger King (je déteste la monarchie entre deux tranches de pain mou). Et la lécithine partiellement hydrolysée, le sorbate de sodium, et les lipides, les pyrophosphates de calciums
Et cet ennui qui ressemblait tellement à une indigestion.

mercredi 3 mars 2010

Crimes exemplaires (chirurgicaux). Ande



La traduction « médicale » de Crímenes ejemplares, de Max Aub, réalisée par Danièle Guibbert, pour les éditions Phébus, libretto, 1997, p.52-53 :


Si je n’ai pas mes huit opérations par heure je suis un homme perdu, et je devais n’en faire que six … On en était à deux, au bout de dix minutes et ça ne décollait pas, mes assistants étaient vautrés dans les vaps, béats : un trop plein d’oxygène et v’là le travail ! Et Dieu sait que je n’avais pu faire autrement que de les inciter à stopper ! Ils jacassaient comme des pies, ils caquetaient à n’en plus finir et se relançaient l’un à l’autre la conversation, ils l’emmêlaient de bredouillis et parlaient à tort et à travers de choses inutiles. Les opérations n’avançaient pas et je devais porter toute la responsabilité des actes médicaux sur mes épaules. Faire du chiffre c’est tout ce qui importait maintenant. Soudain il me vint une idée : nous pourrions prendre un peu de retard et falsifier les dossiers. (Ma secrétaire est très réputée pour ça). Je n’en pouvais plus, j’étais laminé. Je leur avais demandé de faire un effort ces derniers temps parce que je ne pouvais pas faire autrement, parce que je suis bien bon et que je ne voulais pas licencier dans ma clinique. Ils étaient arrivés plus ou moins éméchés, déjà fatigués, il était deux heures du matin et ils ne semblaient pas vouloir faire d’effort supplémentaire. « Tant pis », disaient-ils ! Je ne pouvais chasser la pendule de ma pensée, parce que je ne pouvais m’absoudre à un chiffre encore négatif pour la troisième fois de la semaine ! Au-delà de tout, je tiens à ma clinique. Je devais me lever à sept heures demain et il était déjà deux heures, si je ne dors pas mes huit heures je suis une loque toute la journée, et de surcroît, j’opère mal ! Ce qu’ils racontaient ne m’intéressait pas, absolument pas. Bien entendu j’aurais pu agir comme un être grossier et d’une façon ou d’une autre leur dire de s’en aller, que j’allais finir d’opérer tout seul, de toute façon à quoi bon ! Trois ratages sur six. Trois procès à venir rien que pour la dernière heure ! Mais ce n’est pas dans mes manières. Ma mère qui fut veuve très jeune m’a inculqué les meilleurs principes et la meilleure éducation. Je n’avais qu’une seule envie : dormir, et le reste m’importait peu. Je n’avais pourtant pas tellement sommeil, je pensais seulement à l’envie que j’en aurais le lendemain matin, très tôt ! … Ma position m’empêchait de montrer quoi que ce soit, surtout en pleine opération ! Et j’entendais : « toi par-ci et toi par-là… et ça et le reste … », ça jacassait à n’en plus finir ! Le golf, les courses, le Polo … Laetitia Casta, Isabelle Adjani, Catherine Deneuve (je déteste le cinéma pour les avoir toutes retouchées). Le samedi à Broadway (je déteste Broadway). Ah ! La maison d’Ajaccio ! (A ce moment-là je détestais aussi Ajaccio) … et Untel qui divorçait et l’autre qui se ruinait …
« Et toi, qu’en penses-tu ? Et toi, et toi et toi … » Voilà tout ce que j’entendais ! … Et le lifting du Président, et le double menton du ministre, et cette chanteuse d’opéra … Comment déjà ? (Je déteste l’opéra). Et la mode, Apollinaire, et l’alcool, et le sexe …
Et cette perfusion qui ressemblait tellement à de la Vodka !

Crimes exemplaires. Cécile


La traduction « juridico-cuistre » de Crímenes ejemplares, réalisée par Danièle Guibbert, pour les éditions Phébus, libretto, 1997, p.52-53 :

Si je n’ai pas mes huit heures de parquet, pro domo, je suis un homme perdu pour la conférence Berryer, et de facto je devais me plaider à sept heures, sans acte dilatoire d'aucune façon… Il était deux heures au méridien de Greenwich, sub nocte, et ils ne partaient pas, ils étaient vautrés dans les biens mobiliers rétractables, béats. Et Dieu sait que je n’avais pu faire autrement que de les inviter à m'écouter plaider, puisque ce sont, vous l'accorderez facilement, monsieur le président, des relations somme toute communes entre accipiens et solvens. Ils aggravaient le climax de tapage nocturne caractérisé, ils haussaient le sommus maximal de décibels tolérés à n’en plus finir et se relançaient l’un à l’autre la conversation, ils l’emmêlaient de bredouillis et parlaient à tort et à travers de choses inutiles, constituant de la sorte une gêne sonore qu'on ne pouvait plus considérer comme subjective mais bien au contraire comme trouble anormal du voisinage direct. Et je devais porter verres de cognac, encourageant ainsi à mon corps défendant l'alcoolisme sur la voie privée, et sur la voie publique, cqfd, et autres tasses de café, comme si besoin était de soutenir leur attention au moment de la péroraison. Soudain émergea une proposition rémanante, de la susdite, je cite, " nous pourrions prendre un peu plus tard un exorde délibératif". Il est un fait établi que ma greffière est très réputée. J'avais épuisé mes ultimes forces. Victime de l'éducation, victime de la société, victime des bonnes manières? Comment trancher, le noeud est gordien, entre nature et culture? Je les avais invités à m'applaudir parce que je ne pouvais faire autrement, et c'est ici la part de l'inné qui s'exprime subséquemment, , parce que je suis bien élevé, et c'est ici la part de la culture qui croit et m'étouffe. Pour citer Swift,je dirai que les hommes naissent mauvais, et que la société les rend pires encore. Ils étaient arrivés plus ou moins à neuf heures et demie, il était deux heures du matin et ils ne semblaient pas vouloir s’en aller : criante illustration de la citation sus-citée. Je devais me lever à sept heures et si je ne plaide pas pendant huit heures je suis une loque de parquet (et un interdit banquaire) toute la journée, et de surcroît ce qu’ils racontaient ne m’intéressait pas, absolument pas. Bien entendu j’aurais pu agir comme un être du commun et en latin ou en grec leur dire de s’en aller. Mais ce n’est pas dans ma manière. Ma mère qui fut veuve très jeune m’a inculqué les meilleurs principiae. Je n’avais qu’une seule envie : plaider le lendemain, et le reste m’importait peu. Je n’avais pourtant pas tellement mon plaidoyer en tête, je pensais seulement à l’envie que j’en aurais le lendemain… Mon éducation m’empêchait de simuler ces effets de manche qui sont le moyen habituel des avocats ordinaires.
Et vous par-ci et vous par-là… et ça et le reste. L'affaire Courveuax, les échecs de Collard, le congélateur… "Avocats et associés" sur TF1, "les Nerfs à vif", Le docteur Delajoux (je déteste le cinéma). Le samedi à l'hôpital Cedars-Sinaï (je déteste Los Angeles). Ah ! le barreau de Marseille ! (à ce moment-là je détestais aussi Marseille)… et Vergès qui perdait et perdait…
Et vous, qu’en pensez-vous ? Et vous, et vous et vous… Et le Président, et le bâtonnier, et le ministère civil (je déteste le ministre civil). Et la blanche hermine, Ally Mac Beal, et l'épitoge, Henri Burin des Roziers
Et ce poison en robe noire qui ressemblait tellement à l'avocat du diable.