dimanche 28 septembre 2008

Transduction. BAISER (Cécile)




Baiser me rassemble. La baise réunit l’amoureux et le lubrique qui sont en moi. Chaque partie fine à l’hôtel est une sorte de performance géante, avec ses approches amoureuses, ses préliminaires et son indispensable sens de la psychologie.

Pour être un bon baiseur, il faut avoir une connaissance profonde de sa partenaire, une sorte de complicité avec les ingénieurs de Durex, une approche instinctive et rapide des seins érectiles. Chaque corps est un dessin et chaque baise est un dessin dans le dessin.

Les femmes avides dictent leur loi au libertin à coups de hanches et de fesses, mais les plus anciennes épousent les mouvements de la langue et de la main.

Lorsqu’on entre vite dans un corps sans visibilité il est impératif d’avoir une idée intuitive de sa fin. L’expérience est donc primordiale. Plus on baise, plus vite on baise.

Il faut être vigilant et en forme. La baise est le contraire du laisser-aller. C’est pourquoi mon admiration est grande pour les baiseurs qui, après une bataille terrible dans des draps frais, basculent à fond sur un autre corps.

Les grands baiseurs sont des êtres bizarres dont il faut apprendre à se méfier. J’en ai suivi quelques-uns. Ils ne sont pas forcément méchants, mais leur virtuosité peut les transformer. Tout se passe comme s’ils voulaient endormir leurs proies. Ils se mettent devant et donnent confiance et puis, d’un coup sec, celle qui tentait de les dominer se retrouve au plumard, au sol, à terre. Il y a quelques hommes qui tournent là où tous les autres vont tout droit. Il est bon de le savoir.

Le plaisir de faire céder une femme que vous avez mille fois entreprise, c’est de la faire jouir le moins possible, retarder l’orgasme, entrer le moins vite possible dans la jouissance, sortir en bonne ligne pour attaquer les suivantes, tracer un dessin impeccable et lui donner le rythme d’une musique. On peut chanter en baisant.

On peut faire cela à vitesse moyenne et y trouver grand plaisir.

Si l’on est fatigué, en revanche, ou simplement émoussé, les petites morts peuvent paraître interminables. Si le froid s’en mêle et engourdit les doigts, si la pluie s’en mêle et détrempe la Merteuil, si le vent balaie la peau, baiser peut être pénible.

Je me souviens d’une partie luxurieuse près du Ventoux par un fort mistral glacé qui m’a laissé tétanisé à Malaucène, incapable de me réchauffer, incapable – ce qui est encore pire – de retrouver la moindre trace du plaisir de la jouissance.

Cécile (j'essaye de faire monter la fréquentation de ce blog;))

samedi 27 septembre 2008

Transduction
Créée par
Raymond Queneau
Définition
A partir d'un texte donné, substituer aux substantifs de ce texte d’autres substantifs pris dans un lexique spécialisé différent.
Raymond Queneau a ainsi traité un article du mathématicien David Hilbert, Les Fondements de la Géométrie, en remplaçant les mots : “ points, droite, plan ” du texte source par les mots “ mots, phrases, paragraphe ”.
Exemple : deux axiomes
I, 1 : Il existe une phrase comprenant deux mots donnés.
I, 2 : Il n’existe pas plus d’une phrase comprenant deux mots donnés.
Variante : le S+n orienté : choisir uniquement les mots qui appartiennent à un domaine préalablement déterminé (ex : mots du vocabulaire politique, culinaire, sexuel, garagiste, littéraire, etc.).



Texte de départ : extrait de « besoin de vélo » Paul Fournel
Exercice proposé : la transduction (créée par Raymond Queneau)


Descendre

Descendre me rassemble. La descente réunit le skieur et le cycliste qui sont en moi. Chaque descente à vélo est une sorte de slalom géant, avec ses passages fins, ses freinages et son indispensable sens de l’anticipation.

Pour être un bon descendeur, il faut avoir une connaissance profonde de la route, une sorte de complicité avec les ingénieurs des Ponts et Chaussées, une approche instinctive et rapide des lieux. Chaque route est un dessin et chaque descente est un dessin dans le dessin.

Les routes modernes dictent leur loi au terrain à coups de bulldozers et de dynamite, mais les plus anciennes épousent les mouvements du sol et de la montagne.

Lorsque l’on entre vite dans un virage sans visibilité il est impératif d’avoir une idée intuitive de sa fin. L’expérience est donc primordiale. Plus on descend, plus vite on descend.

Il faut être vigilant et en forme. La descente est le contraire du laisser-aller. C’est pourquoi mon admiration est grande pour les coureurs qui, après une bataille terrible dans la montée, basculent à fond sur l’autre versant.

Les grands descendeurs sont des êtres bizarres dont il faut apprendre à se méfier. J’en ai suivi quelques-uns. Ils ne sont pas forcément méchants, mais leur virtuosité peut les transformer. Tout se passe comme s’ils voulaient endormir leurs adversaires. Ils se mettent devant et donne confiance et puis, d’un coup sec, celui qui tentait de les suivre se retrouve dans le fossé, au ravin. Il y a quelques hommes qui tournent là où tous les autres vont tout droit. Il est bon de le savoir.

Le plaisir de descendre une côte que vous avez mille fois descendue, c’est de freiner le moins possible, retarder les freinages, entrer le plus vite possible dans les virages, sortir en bonne ligne pour attaquer les suivants, tracer un dessin impeccable et lui donner le rythme d’une musique. On peut chanter en descendant.

On peut faire cela à vitesse moyenne et y trouver grand plaisir.

Si l’on est fatigué, en revanche, ou simplement émoussé, les descentes de col peuvent paraître interminables. Si le froid s’en mêle et engourdit les doigts, si la pluie s’en mêle et neutralise les freins, si le vent balaie la route, descendre peut être une punition.

Je me souviens d’une descente du Ventoux par un fort mistral glacé qui m’a laissé tétanisé à Malaucène, incapable de me réchauffer, incapable – ce qui est pire encore – de retrouver la moindre trace du plaisir de la montée.

lundi 22 septembre 2008

Transduction du bourreau (Sandrine)


Transduction de « Descendre » (tiré de Paul Fournel, « Besoin de vélo »)








EXECUTER

Exécuter me rassemble. L’exécution réunit le sadique et le saigneur qui sont en moi. Chaque éxécution à main nue est une sorte de carnage géant, avec ses hémorragies lentes, ses accélérations et son indispensable sens de l’anticipation.

Pour être un bon bourreau, il faut avoir une connaissance profonde de l’anatomie, une sorte de complicité avec les médecins de l’Institut, une approche instinctive et rapide des suppliciés. Chaque corps est un dessin et chaque mise à mort est un dessin dans le dessin.

Les chairs vives dictent leur loi au saignoir à coups de cris et de sursauts, mais les plus anciennes épousent les mouvements de la lame et du nerf de bœuf.
Lorsqu’on entre vite dans un corps sans visibilité il est impératif d’avoir une idée intuitive de sa fin. L’expérience est donc primordiale. Plus on exécute, plus vite on exécute.

Il faut être vigilant et en forme. L’exécution est le contraire du laisser-aller. C’est pourquoi mon admiration est grande pour les tortionnaires qui, après une bataille terrible dans des chairs, basculent à fond sur un autre condamné.

Les grands bourreaux sont des êtres bizarres dont il faut apprendre à se méfier. J’en ai suivi quelques-uns. Ils ne sont pas forcément méchants, mais leur virtuosité peut les transformer. Tout se passe comme s’ils voulaient endormir leurs victimes. Ils se mettent devant et donnent confiance et puis, d’un coup sec, celui qui tentait de leur résister se retrouve au gibet, à l’échafaud, sous le couperet. Il y a quelques hommes qui tournent là où tous les autres vont tout droit. Il est bon de le savoir.

Le plaisir de faire céder une côte que vous avez mille fois fendue, c’est de la faire craquer le moins possible, retarder les craquements, entrer le moins vite possible dans la fêlure, tapoter en bonne ligne pour attaquer les suivantes, tracer un dessin impeccable et lui donner le rythme d’une musique. On peut chanter en torturant.

On peut faire cela à vitesse moyenne et y trouver grand plaisir.

Si l’on est fatigué, en revanche, ou simplement émoussé, les mises à mort peuvent paraître interminables. Si le froid s’en mêle et engourdit les doigts, si la pluie s’en mêle et détrempe le supplicié, si le vent balaie la Veuve, éxécuter peut être pénible.

Je me souviens d’une exécution près du Ventoux par un fort mistral glacé qui m’a laissé tétanisé à Malaucène, incapable de me réchauffer, incapable – ce qui est encore pire – de retrouver la moindre trace du plaisir de la souffrance.

Transduction de l’enseignant (Sandrine)


Transduction de « Descendre » (tiré de Paul Fournel, « Besoin de vélo »)





ENSEIGNER

Enseigner me rassemble. L’enseignement réunit l’adulte et l’enfant qui sont en moi. Chaque leçon à une classe est une sorte de slalom géant, avec ses pertes d’attention, ses accélérations et son indispensable sens de l’anticipation.

Pour être un bon enseignant, il faut avoir une connaissance profonde de l’enfant, une sorte de complicité avec les parents de la FCPE, une approche instinctive et rapide des élèves. Chaque élève est un dessin et chaque leçon est un dessin dans le dessin.

Les élèves turbulents dictent leur loi au groupe à coups de dissipation et de provocation, mais les plus appliqués épousent les mouvements de la dictée et de la conjugaison.

Lorsqu’on entre vite dans une thématique sans visibilité il est impératif d’avoir une idée intuitive de sa fin. L’expérience est donc primordiale. Plus on enseigne, plus vite on enseigne.

Il faut être vigilant et en forme. L’enseignement est le contraire du laisser-aller. C’est pourquoi mon admiration est grande pour les professeurs qui, après une bataille terrible dans des esprits rétifs, basculent à fond sur une autre leçon.

Les grands enseignants sont des êtres bizarres dont il faut apprendre à se méfier. J’en ai suivi quelques-uns. Ils ne sont pas forcément méchants, mais leur virtuosité peut les transformer. Tout se passe comme s’ils voulaient endormir leurs classes. Ils se mettent devant et donnent confiance et puis, d’un coup sec, celui qui tentait de leur échapper se retrouve au coin, au tableau, en retenue. Il y a quelques hommes qui tournent là où tous les autres vont tout droit. Il est bon de le savoir.

Le plaisir de faire comprendre un texte que vous avez mille fois étudié, c’est de l’interrompre le moins possible, retarder les interruptions, entrer le plus vite possible dans son corps, le lire en bonne ligne pour attaquer les phrases, tracer un dessin impeccable et lui donner le rythme d’une musique. On peut chanter en enseignant.

On peut faire cela à vitesse moyenne et y trouver grand plaisir.

Si l’on est fatigué, en revanche, ou simplement émoussé, les heures de cours peuvent paraître interminables. Si l’ennui s’en mêle et engourdit les pensées, si l’indiscipline s’en mêle et neutralise la classe, si le soleil étire la récréation, enseigner peut être pénible.

Je me souviens d’une heure de cours au Ventoux par un matin ensoleillé qui m’a distrait à Malaucène, incapable de me concentrer, incapable – ce qui est encore pire – de retrouver la moindre trace du plaisir de la connaissance.

jeudi 11 septembre 2008

Etats d'âme d'un objet du quotidien: la fourchette en argent (Sandrine)






Madame est morte ce matin. Bien fait !

Je me souviens de notre première rencontre, le jour de ses noces, en avril 1963. C’était sa tante Gudule qui lui avait offert notre coffret. Madame n’avait jeté qu’un regard ennuyé à notre bel écrin tendu de damas rouge. Elle s’était contentée de s’exclamer « Oh, des couverts… », avant de rabattre le loquet doré du couvercle, puis de s’éloigner en sautillant vers la piste de danse et notre oubli. La garce ! Nos sorties seraient rares, je l’ai pressenti immédiatement, et peut-être même pas à heures fixes, à en juger par le genre négligé de la donzelle. Pourtant, nous étions jeunes, éclatantes, parées de nos godrons les plus élégants, un entrelacs de feuilles ciselées à la main, en bas du manche. J’étais première de rangée, à l’époque. Tireuse des couteaux, domina des cuillers, meneuse et maîtresse de la ménagère, tous les autres couverts m’obéissaient à la fourche, sans exception, y comrpis cette lourdaude de louche.

Au début, bien sûr, Madame prenait quelque plaisir à dresser une table digne de ses convives de choix quand elle recevait. Il fallait la voir, précieuse et ridicule, mettre sa vaisselle de porcelaine bien en face des verres à pied, plier avec art des serviettes assorties à la nappe qu’elle plaçait soigneusement au centre des assiettes, et nous disposer comme il se doit, à gauche, fourchon tourné vers le plateau de table. Toujours raide, attentive, consciente de ma charge, j’attendais parfois plus d’une heure avec mes sœurs que les invités ne délaissent leur apéritif et daignent prendre place pour le repas. Je me rappelle cette tension, à chaque fois, qui précédait le moment où je serais retournée d’un coup de poignet, par ce partenaire toujours changeant, que je découvrirais alors, sachant que ce serait lui qui me manierait durant tout le dîner et que je devrais docilement servir, sans même qu’il ne s’en aperçoive.

Un jour, je fus attribuée à un certain Edgar, veuf valétudinaire de Tante Gudule. Sa main cacochyme tremblait. Il peinait à me tenir horizontale. Que d’efforts pendant ce repas, pour garder sur mon fourchon ses mets instables, qui glissaient sans cesse entre mes dents, bien avant sa bouche ! Ma cadette, qui servait un bellâtre à notre droite, riait de mon abnégation crispée, de mes tentatives inutiles d’épargner à l’ergotant le déshonneur d’une tâche de gras sur sa chemise. Rit bien qui rit la dernière, elle me conta plus tard ses déboires, durant ce même repas, avec l’haleine de son dadais d’utilisateur, dont les dents fétides se déchaussaient un peu plus à chaque bouchée.

Il y eut aussi le « médianoche maudit », un souper qui tourna court par maladresse. Un couteau glissa de la main d’un cousin distrait et alla se ficher dans le tapis, éraflant une cuisse dans sa chute. La discussion qui s’ensuivit dans l’écrin, le soir, fut l’une des plus agitées de notre service commun. Il y allait de la distinction requise par nos fonctions d’argenterie.

De peu fréquents, les dîners organisés par Madame se firent rares au fil des années. Alors, on nous négligea encore davantage. Pour ses repas quotidiens, Madame nous préférait de vulgaires fourchettes en inox « tellement plus pratiques et qui passent au lave-vaisselle ». De toute façon, Madame n’a jamais été un cordon bleu et j’ai toujours estimé que ses rôtis de veau ne nous méritaient pas.

Cela fait plusieurs années maintenant que Madame ne nous a pas sortis de la ménagère. Cette promiscuité continue et notre désoeuvrement ont conduit à des disputes ouvertes entre nous, couverts, mais finalement, un silence indifférent s’est peu à peu installé dans l’écrin. Je ne parle plus à mes sœurs depuis bien longtemps. La louche ne s’attarde plus aux arguties d’antan. Les cuillers ont fini de jacasser. Les couteaux sont résignés. Cet isolement a d’ailleurs du bon : au moins, l’obscurité nous évite de nous émouvoir de nos manches en capilotade piqués de sombre, et nous faisons semblant d’ignorer nos dents ternies faute d’être astiquées.

Est-ce l’âge qui me rend cynique, ou la solitude ? Cela m’amuse presque de songer que, débutante, je rêvais de servir dans une maison à la hauteur de mon poinçon. J’aurais suivi, frissonnante, les discussions des grands esprits de ce monde, effleurant délicatement leurs dents des miennes. Une domestique à tablier aurait pris soin de nous plonger, chaque semaine, dans un bain de cendres et de jus de citron. Elle nous aurait caressées d’une étoffe de flanelle, se serait mirée dans notre éclat alors plus vif. Entre deux repas, la ménagère aurait reposé dans une haute armoire de noyer. Nous aurions aperçu, par la porte entrouverte, deux tableaux flamands, de grandes estampes d’après Boucher et toute une série de gravures de l’Emile et de La Nouvelle Héloïse par Moreau. Au lieu de cela, nous avons vieilli, le manche frotté quelquefois à coup de pomme de terre, ou plongées sans amour dans une eau tiédasse et savonneuse. De toute façon, Madame n’avait qu’un poster des « yéyés » accroché dans son salon.

J’ai dû m’interrompre quelques instants : la nièce de Madame s’est emparée de notre coffret. Enfin du mouvement, de la visite, de l’intérêt ! Elle soulève le couvercle, une lumière aveuglante s’engouffre dans l’écrin et met à mal nos efforts pour paraître plus fraîches. Il me semble que la nièce sourit, elle a l’air gentil. Elle s’adresse à une personne que je ne vois pas dans la pièce : « Regarde un peu ces couverts! Je ne savais même pas que Tatie avait ça ! C’est de l’argent, tu crois ? Beurk, il sont tout tâchés. Allez hop ! Balance-moi ces vieilleries! »


Sandrine

dimanche 7 septembre 2008

Etats d'âme d'un objet du quotidien : la saga du ticket de métro (Ande)



La saga du ticket de métro

Eh oui ! grâce à mon précédent lifting je me sentais transformé … physiquement et moralement … comme quoi, changer de couleur n’était pas rien … il faut dire que je suis passé d’un vert peu seyant à un joli violet qui sied à merveille à ma fonction … surtout qu’avec ma bande centrale marron … quel chic ! Bref, je resplendissais ! Hélas, voici quelques mois, un hurluberlu fantaisiste jaloux décide de me transformer à nouveau, de me délaver ! Je m’explique : je ne suis plus violet mais blanc !!! BLANC lavasse tout ce qu’il y a de plus banal, bref, vulgaire ! Pourquoi n’a-t-on jamais son mot à dire, … moi si on m’avait demandé, j’aurais carrément refusé ! … Je me trouvais tellement beau !

Pour ne rien arranger, j’ai de moins en moins de copains … avec cette fichue carte Navigo … plus d’amis, plus de carnets, presque plus d’avenir ! Un noir dessein se profile à l’horizon !

Enfin, je vais arrêter de m’apitoyer sur mon sort car l’aventure que j’ai vécu ce matin, mérite d’être narrée.

Eh hop ! Ce matin comme tant d’autres de mes congénères, je suis sorti de la machine distributrice où j’hibernais depuis deux mois, pour découvrir Ma propriétaire car je n’appartiens dans ma courte vie qu’à une unique personne.

Cette jeune femme, après avoir mis trois pièces dans la fente du distributeur, m’a fait tomber dans la coupelle en acier et m’a prise dans sa main douillette et chaude … quel bonheur !

Elle m’a fait passer dans la machine du métro, m’a récupéré rapidement et m’a mis dans la poche intérieure de sa veste. Là, j’ai senti la chaleur de son corps, ses mouvements rapides mais doux et son cœur … son cœur qui battait tout bas.

Là j’y suis … c’est de cette poche que j’ai toutes ces pensées, que … mais que vois-je ? Une carte d’identité … Ah chouette ! Je vais connaître le nom de Ma propriétaire, c’est tellement rare !

Eh Psssitt !!! Dites-moi … Mademoiselle la carte, comment s’appelle Ma propriétaire ? Vous êtes timide ? Mais dites-moi, c’est tellement rare de pouvoir savoir ! Dans un chuchotement j’entends un nom : Coraline Marceau … puis plus rien, visiblement je dérange … Coraline Marceau, quel joli nom ! Coraline mon cœur … voilà, ça y est, je m’emballe, je m’attache, je deviens amoureux !

Les copains m’avaient prévenu qu’il ne fallait pas s’enticher de quelqu’un car notre vie est généralement courte. Peu sont conservés précieusement voire collectionnés, le rêve de tout ticket ! Malheureusement nous sommes généralement voués à être jetés ou piétinés … Certains restent quelques temps dans une poche avant de finir dans une poubelle … Et moi ?

Que vais-je devenir ?

Même si on sait que la vie est courte, quelle belle expérience de sentir ce corps chaud …

Ah mais je n’ai pas remarqué, nous ne sommes plus dans le métro, elle arrive chez elle, … elle sort son trousseau de clés, ouvre la porte, enlève son manteau … fait quelques pas, revient en arrière, cherche dans sa poche, trouve sa carte d’identité et … me prends entre ses doigts.

Chouette, chouette et rechouette, des sueurs froides me parcourent l’échine, elle hésite puis me glisse … dans le livre qu’elle a commencé … me voici entamant une seconde vie de marque-page ! Je vais pouvoir me cultiver, quel bonheur ! … Eh toi ! Livre, qui es-tu ? … « La Nausée » Kèkesaikeça ? Beurk, pas génial comme thème enfin, c’est mieux que de finir à la poubelle, et puis il y a Coraline, enfin pas d’engouement excessif … ayons les pieds sur terre … quelle expression idiote, n’est-ce pas ? Surtout pour un ticket de métro !

Elle pose le livre sur sa table de chevet et éteint la lumière pour s’endormir sans même avoir eu le temps de lire quelques pages. Faut dire « La Nausée » … ça ne donne pas vraiment envie ! Demain peut-être me reprendra-t-elle entre ses jolis doigts ?

Je vais moi aussi sommeiller un peu et faire de jolis rêves !!!

Bonne nuit à tous !