jeudi 20 octobre 2011

Texte à démarreur (Sandrine)



Au fait pourquoi les mouches ont-elles des yeux à facettes ?

Au fait pourquoi trouver ça drôle quand c’est les autres qui tombent ?

Au fait pourquoi le silence d’après Mozart est toujours de Mozart mais pas celui de Rika Zaraï ?

Au fait pourquoi n’y pas avoir songé avant ?

Au fait pourquoi l’orage se sent-il sur la peau ?

Au fait pourquoi le rouge est-il la couleur de la révolution ?

Au fait pourquoi les Allemands ne font pas la différence entre un boucher et un charcutier ?

Au fait pourquoi faire attention à la marche ?

Au fait pourquoi la mayonnaise ne prend pas toujours ?

Au fait pourquoi se taire ?

Au fait pourquoi tu tires cette tête ?

Au fait pourquoi ne pas lui dire que je l’aime puisque c’est vrai ?

Au fait pourquoi tu me poses toutes ces questions ?

Au fait pourquoi dire bonjour à la dame ?

Au fait pourquoi continuer ce que d’autres ont commencé ?

Au fait pourquoi pas ?

mardi 18 octobre 2011

Pantoum mélancolique (Sandrine)



Ils appellent ça la mélancolie

en tout cas, avant c’était mieux

comme dans ce poème de Heine

Ich weiß nicht, was soll es bedeuten, dass ich so traurig bin


en tout cas avant c’était mieux

avant cet hôpital

Ich weiß nicht, was soll es bedeuten, dass ich so traurig bin

cette porte est trop fermée


Avant cet hôpital,

L’herbe était plus verte

Cette porte est trop fermée

Pour être honnête


L’herbe était plus verte

Ils appellent ça la mélancolie

Pour être honnête

comme dans ce poème de Heine

lundi 17 octobre 2011

Texte à démarreur (Cécile)


Albertine Simonet a peur de ne plus monter dans le train
Albertine Simonet ne sait plus sur quelle croix danser
Albertine Simonet ne s'est pas assez méfiée de la croyance
Albertine Simonet va vomir elle pense sur la page 170
Albertine Simonet se dit qu'il lui ment à elle aussi
Albertine Simonet se dit que la Suisse ce n'est pas la liberté
Albertine Simonet nettoie le vomi des autres la nuit
Albertine Simonet voit une faille profonde dans la main
Albertine Simonet aspire la voiture mais pas à un bonheur en toc
Albertine Simonet a mal aux mâchoires à trop les serrer
Albertine Simonet ne retourne pas dans son lit, pas encore
Albertine Simonet ne voit pas rouge ni noir, ni rose ni vert
Albertine Simonet voudrait dormir cette nuit
Albertine Simonet en a marre de vos anguilles
Albertine Simonet se glisse sous la peau d'une louve
Albertine Simonet ne court plus mais vole
Albertine Simonet ne retourne pas sa veste doublée
Albertine Simonet ne dit rien mais n'en pense pas moins
Albertine Simonet se moque de la nuit
Albertine Simonet compte ses jours d'enfant malade
Albertine Simonet se fait rattraper par la gauche par la vie par les cheveux
Albertine Simonet entend des craquements dans la maison
Albertine Simonet ne reconnait pas Tannhauser
Albertine Simonet n'aime pas qu'on pisse dans le lavabo
Albertine Simonet n'arrange pas ses cheveux
Albertine Simonet ne veut pas d'une chambre d'hôtel
Albertine Simonet a mis toute sa fatigue dans ses yeux
Albertine Simonet a des fourmis dans les jambes 
Albertine Simonet ne sait pas quelle heure quel jour il est
Albertine Simonet ne fredonne même plus à l'intérieur
Albertine Simonet dessine une ligne de vie de chance d'amour là où la main est percée
Albertine Simonet veut retourner travailler
Albertine Simonet dit "Mon chéri Marcel" et se brûle la langue
Albertine Simonet a vingt six heures de retard
Albertine Simonet a manqué le train

lundi 10 octobre 2011

Récit ethnodendrique (Cécile)


 Pour jouer comme ici.



Le séquoia géant ( Sequoiadendron giganteum) de la place du Cardinal Lefebvre n'aurait jamais dû être là. Le séquoia n'est pas indigène en Berry. Il a été ramené en avion de Rome, en 1954, sous le bonnet carré et pourpre du Cardinal Lefebvre, alors qu'il venait d'être ordonné cardinal de S. Giovanni Battista dei Fiorentini. Un écureuil vaticanesque aurait caché, pour former des provisions sitôt oubliées (car l'écureuil est charmant et agile, mais il est dépourvu de mémoire) de minuscules cônes sous le bonnet de l'alors évêque berruyer, qui s'est gratté la tête en revenant devant la cathédrale de Bourges, plantant alors en toute ignorance ce qui deviendrait un monstre, un gigadendron, absolument pas adapté à l'étroitesse de joints entre les pavés qui font front bas devant Saint Etienne. Son tronc est trop large pour être embrassé par qui ce que soit (à part Encelade, peut-être, qui a néanmoins autre chose à faire que d'embrasser les arbres), sa cime trop haute pour que je la discerne. Son écorce est rugueuse et abrite des gendarmes qui copulent par dizaines, petite chaine rouge mal cachée dans les anfractuosités ocre terre de sienne presque vermillon.  Le séquoia géant de la place du Cardinal Lefebvre se sent tellement déplacé sur la placette qu'il se cache dans les ramures d'un Fagus (le hêtre, qu'on appelle fou, fol au Moyen-Age) bien local ; mais comme l'homme cache la foule,  le fagus semble greffé sur un tronc trop gros pour lui, trop rugueux pour lui, trop craquelé pour lui. Encastré dans le séquoia, le Fagus devient un usurpateur, et un monstre végétal. Devant les contreforts de la cathédrale, et avec sa bénédiction, ces deux là sont mêlés, sans que personne ne lève les yeux vers eux. Il est vrai que les passants se précipitent dans l'ouverture noire du parking de la mairie.
Le séquoia géant est clandestin, comme la passante aux chaussures rapides. Le séquoia géant se plait, comme elle, sur le sol aride et même acide. Le séquoia géant résiste au feu, aux incendies, aux grands incendies et aux grandes brûlures.  Le séquoia géant de la place du Cardinal Lefebvre est mon ami, parce que chaque fois que je l'embrasse, trois fois par semaine, il m'enseigne tous les remèdes contre les brûlures graves et contre les légères. Il me dit comment épaissir ma peau et la craqueler pour faire front au feu, il me raconte qu'un de ses frères s'appelle sempervivens, et trois fois par semaine, le visage collé à son tronc trop large, j'entends bruire un incendie longtemps retenu. Le séquoia géant de la place du Cardinal Lefebvre est reproduit en miniature dans chacun de ses cônes, qui ne s'ouvre que lorsque la chaleur de l'incendie est trop forte. Je promets au séquoia géant de la place du Cardinal Lefebvre que je le ramènerai à Rome dans un bonnet carré. On verra bien ce que dira Saint Pierre. 

samedi 1 octobre 2011

Petite boîte (Cécile)


Attendre juste à côté
Moisir vraiment, croupir là
Enrouler autour de soi même
Le téléphone
Portable ça ne fait rien à l’af-
Faire quand on est là, que faire ?

*


Merde fais chier putain quoi merde
C’est vrai quoi merde fais chier quoi
Une enclume dans la gorge avec
Piquants
Des Clous qui griffent grattent et même plus
de Lisopaïne jaune.

Avant la salade (Sandrine)


Poser la pantoufle sur le carreau noir.

D’un air totalement quelconque, avancer d’un pas. Ramener la seconde pantoufle sur le carreau blanc d’à côté.

Opérer une rotation de 90° gauche, et réitérer l’opération susmentionnée.

Tendre le bras droit (ou gauche, c’est selon), jusqu’à se saisir du bitoniau en bois qui sert de poignée à la porte du placard. Se baisser un peu (flexion des genoux) pour épargner son dos mal en point.

Tirer la porte à soi jusqu’à ce qu’elle bée façon chèvre.

Tendre le bras libre en direction du bol bleu – ils sont tous bleus, en choisir un. Le caler entre sa main et son flanc sans laisser traîner ses doigts dedans. Du bol ou du doigt, l’un des deux est forcément plus sale que l’autre, inutile de souiller l’élément le plus propre du désormais indissociable binôme.

Se redresser. L’opération suivante requiert vélocité et précision.

D’une pointe de pantoufle avertie, et mue d’un coup de hanche non moins expert, refermer la porte du placard d’un claquement bref. Clac !

Rotation de 90° gauche, avancer de trois carreaux noirs et deux carreaux blancs. Re-rotation à gauche, de 90°. Deux noirs un blanc. Rotation 90°, droite cette fois. Joindre les pantoufles sur deux carreaux voisins. Stop. Ne plus bouger les pieds.

Poser le bol sur le plan de travail.

Tendre la main droite vers l’étagère, éviter de frôler la boîte de dragées poussiéreuse du dernier mariage et slalomer entre les pots en verre sans faire tomber le rouleau de Sopalin qui s’appellera Küchentuch parce que ce Sopalin-ci parle allemand.

Attraper la bouteille d’huile et la ramener à soi d’une pliure de coude, la poser sur le plan de travail à côté du bol. Bling !

Réitérer le mouvement précédent pour choper le vinaigre. Bling !

Sans se pencher parce que ce serait de la triche, ouvrir le tiroir pour en sortir une cuiller à soupe sans éclat. La poser aussi à côté du bol.

Les choses se précisent.

Faites entrer votre corps en mouvement, en tournant de 90° sur la gauche le temps de franchir trois carreaux (deux blancs, un noir), ou alors allez-y en (minuscules) pas chassés. Arrêt devant le frigo. Ou plutôt un peu à côté, sinon ça bloque l’ouverture de la porte. Donc, poser la main sur le rebord de la porte et constater qu’il faudra passer un coup de chiffon car à force de poser des mains grasses sur le rebord de la porte, il y a une trace sombre sur la paroi qui était blanche à l’origine. Tirer la porte à soi, bref l’ouvrir.

La lumière du réfrigérateur s’est allumée sans crier gare. Bon signe.

D’un œil aguerri, chercher la moutarde (deuxième étage en partant du haut, petit pot jaune à étiquette rouge, reconnaissable entre mille autres produits). La prendre d’une main ferme et l’extirper du frigo tout en recourant au coup de hanche habituel et au bout de savate pour refermer la porte et ne pas gaspiller l’énergie déployée par le système de réfrigération.

Cap sur la gauche pour le déplacement retour : un carreau noir, deux blancs. Regagner sa place face au bol, à l’huile, au vinaigre, à la cuiller. Le ventre s’appuie mollement sur le plan de travail si besoin est.

Dévisser le couvercle du pot de moutarde, le remiser par-devers soi pour une fermeture ultérieure dudit pot. Plonger la cuiller dans la moutarde et employer l’ustensile au transvasement du condiment de son pot industriel au bol. Une cuiller suffit. Reboucher le pot (c’est là qu’on est content de l’avoir remisé prudemment deux lignes plus haut). Effectuer le va-et-vient vers le réfrigérateur jusqu’à retrouver sa place initiale.

Se saisir de la salière et de la poivrière, en contre-haut, sur l’étagère. Secouer énergiquement chacune d’entre elle au-dessus du bol de façon à asperger généreusement la moutarde lovée au fond. Ranger sel et poivre là où il se doit.

S’emparer du goulot de la bouteille de vinaigre et soulever le bouchon d’un mouvement du pouce. Laisser couler le liquide dans la cuiller par deux fois, avant de le verser dans le bol. Replacer le vinaigre recapsulé sur le plan de travail, ajouter de l’huile en mince filet au mélange, tout en touillant avec entrain la préparation de façon à ce qu’elle épaississe.

Reposer la cuiller sur le rebord du bol, plonger un doigt gourmand, rien de tel pour savoir si la sauce est réussie.
La vinaigrette est prête. A table !
On fera la vaisselle après.