lundi 16 mai 2011

Monostique paysager ferroviaire (Cécile)



De Bourges à Paris
Ligne jaune disparue peu à peu
30Z sur le panneau
Guyomarc’h nutrition animale vert sur jaune
Un pigeon vole horizontal
Un ciel de rayures fines et noires, on quitte la gare
Sur l’autoroute
Petits blocs de pierres cubiques assemblées régulièrement, mais pour quoi faire ?
Verts, les bouleaux, traits blancs
Je remarque le glissement rouillé, légèrement désaxé, du rail, qui rend plus brillante encore l’arête interne du métal
Derrière la haie, de l’eau qui brille doucement, reflet ombré du rail
Une route brutalement graphique, noire de bitume opaque et bien parallèle
Dans le train, personne ou presque, une femme seule dont je vois le visage renversé dans le porte bagage en plexiglas
Un homme en polo qui dort, les mains posées à l’intérieur des cuisses
Des talus qui bordent la voie ferrée : aridité, mousse rare, du brun et des cailloux
Mais aussi du vent, du vert assourdissant d’humidité juste après
Mon double à rayures tient un stylo dans la main, appuyé contre le menton
Au bord du train, au bord de midi, des maisons à épis de faitage, qu’on trouve jolies jusqu’à ce qu’on se rappelle qu’elles donnent sur la voie ferrée
Des genêts en fleur, pourtant on n’est pas dans le midi
Le train roule trop vite pour que je déchiffre le nom de la gare traversée, bouillie blanche sur le panneau bleu
Après Orléans des éoliennes et le vert s’aplatit jusqu’à l’horizon. Vert avec des petites rayures, ce sont des cultures dont j’ignore le nom, vert tendre du blé en herbe et Colette n’est pas là, j’ai froid pourtant les jambes nues au mois de mai, encore la bouillie blanche et bleue des panneaux illisibles des gares anonymes des arbres bien rangés comme des boules de buis sur tige le long de la route au loin. Les proportions sont inversées, je suis dans un jardin de l’autre côté du miroir sans doute ils vont parler
Les moutons galopent dans le ciel ou s’étirent comme du coton à Paris j’achèterai des bas clairs, le soleil disparaît et mon ombre aussi joue à cache cache, cache moi cache toi vite cherche moi vite
L’habitat devient plus dense, j’écris distraitement, je lis distraitement, en plissant les yeux j’arrive à lire « bourray » et je ne peux rien dire de cette ville invisible dont je n’ai vu qu’un bleu roi sncf.
Des pavillons derrière les haies de troènes, de plus en plus nombreux, Maroilles (Mareuil plutôt) en Maulpoix – une poésie entre la gare et le fromage ; une usine aux toits pointus collée à une autre aux cheminées rondes, un champ de grues rouges et blanches, des RER déjà garés le long de la voie et dans dix minutes c’est Paris le train doit ralentir je lis facilement Sainte Geneviève des Bois et en vérité le train traverse le bois mais furtivement. Plus d’eau obscure mais des centres commerciaux Monsieur Bricolage environnés de tags de maisons années 30 en fausse pierre apparente à joints épais rouges ou marron ; des zones-sans-un-homme mais des caddies abandonnés sur du bitume défoncé des maisons à vendre au milieu d’un parc avec des jeux pour les enfants de 3 à 7 ans sous la surveillance d’un adulte responsable un petit escalier en métal bleu qui ne mène nulle part encore ces maisons que je trouve laides vraiment Athis Mons et la Seine étale entraperçue avec des barques des péniches aucun pécheur sous chapeau pointu au restaurant La Rizière au bord de Seine pour les inondations Villeneuve le Roi un trompe l’œil de baleine et de lune sur une usine le train freine très fort soudain je vais lire sans effort Imprimerie ‘° --‘ lettres orange, un RER paresseux dans l’autre sens des plastiques à trous orange encore à Choisy le roi on pourrait compter les cheveux des gens qui attendent sur le quai à droite lire Quicksilver sur leur sac de sport le train reprend une vitesse normale et je lis difficilement les Ardoines à Paris j’achèterai des cartouches d’encre bleue et rouge je ne lis rien de plus que des grilles de fer forgé ouvragé et peint en blanc aux fenêtres des villas années 30 en bord de chemin de fer. Il y a les mêmes affiches publicitaires que partout en France pour avoir une maison pleine d’envie de couleurs de nouveauté qui me font vomir plein de couleur plein de cloueurs d’envies de nouveautés sur le siège en velours à raies larges vert d’eau et gris pâle, « dans quelques instants votre train corail intercité arrivera » – François Mitterand il fait tout sombre – « son terminus » – couloir sombre et silencieux. Des piques pour s’empaler à moins d’être une coulée de béton molle et grise, les freins hurlent mollement, le soleil brille mollement, les gens froissent des papiers se pressent enfilent leurs sacs sur leur dos leurs épaules au bout de leur bras à la saignée du coude le train freine mollement Panneau sortie Poteaux en forme de champignons Paris Austerlitz poème blitz.

dimanche 15 mai 2011

Gestomètre : Acheter des chaussures (Cécile)


· AAcheter des chaussures

Repérer la paire (avec une amie)

Considérer une autre paire d’un autre modèle dans la vitrine

Saluer la vendeuse

Demander le modèle convoité

Etre déçue, parce qu’il n’est pas disponible

Se laisser guider parmi les chaussures brillantes

Choisir un autre modèle, juste pour essayer

Oter la chaussure droite portée

Glisser le pied droit, avec beaucoup d’effort dans l’escarpin présenté

Arriver en claudiquant jusqu’au miroir

Et là, c’est l’évidence, la vendeuse n’est plus qu’un babil de fontaine lointain, on est tout à la fois Elisabeth Taylor et Cléopâtre, à la fois la grâce d’Audrey Hepburn et la séduction de Marylin, on sait qu’avec ce talon aguicheur on pourrait grimper les marches de Cannes, fouler les tapis rouges, arpenter les parquets au point de Hongrie, on pourrait même déchirer le canapé de ce petit stagiaire si mignon, croisé à la photocopieuse.

Essayer l’autre pied.
Retirer les escarpins.

Sortir sa carte bleue.

Porter d’un air conquérant le sac aux anses en cordelette rouge

S’apercevoir qu’on a acheté trop cher des souliers une pointure trop petite.

vendredi 6 mai 2011

Le soir au coucher … (Ande)


Soulever un pan de couette

Se glisser dans le lit

Lentement

A l’horizontale presque

S’allonger complètement dans le lit

Rabattre la couverture sur soi parce l’air fraîchi

Se caler délicieusement sous la couette

Attendre impatiemment que les pieds réchauffent

Ça y est !

Se tourner sur la gauche

Trouver sa position

En chien de fusil

Passer le bras gauche sous l’oreiller

Trouver enfin sa position

Fermer doucement les yeux

Bâiller si nécessaire

Quitter en pensée le monde réel, se déconnecter

Se gratter le lobe de l’oreille

Se passer la main droite dans les cheveux

La ramener contre sa poitrine, fermer le poing

Se frotter les pieds

Bouger tout de même un peu pour bien s’arrimer

Bien faire reposer sa tête au centre de l’oreiller doux et moelleux

Trouver définitivement sa position

Laisser vagabonder ses pensées vers des contrées amies

Compter les moutons si c’est utile

Ou penser à la Terre bleue comme une orange

Laisser entrer par l’entrebâillement, le rêve …