lundi 20 décembre 2010

Transduction neigeuse du texte d'O.S (Ande)










La neige est compacte. Lisse. Superbe.

Parfois, pas le moindre sillon pour la souiller.

Pas la moindre pomme pour lui dessiner un œil.

Pas le moindre nain pour venir perturber la Blanche.

Elle bombe le torse.

Et parfois on l’appelle The Snow White, La Blanche Neige.

Lorsque les bourrasques sont vigoureuses et que toute progression pédestre est impossible,

Il reste une distraction. Unique. Ultime.

L’exutoire des grands cas.

Vous prenez une boule de neige.

C’est une simple boule de neige, sphérique et potelée.

Un traquenard à gogos.

Vous la lancez sur le badaud qui brave les éléments,

Malgré tout.

Voilà, elle est envoyée.

En votre for intérieur, vous vous surprenez à penser à une petite échelle de trois stupidités du même ordre à faire.

Vous attendez.

Vous posez le pied sur la marche supérieure du muret derrière lequel vous vous êtes réfugié.

Et vous chargez lentement tout le poids de votre corps sur cette mince margelle.

Très lentement. Tout geste brusque peut trahir votre position.

Progressivement, votre poids se déplace à l’aplomb du muret.

Au fur et à mesure, le muret enneigé s’enfonce et votre prise ne s’en trouve pas consolidée.

Encore plus lentement, vous basculez.

Évitez à tout prix de regarder sur quoi vous reposez entièrement.

L’air vibre et vous tombez, tête la première dans une infâme bouillasse.

Le passant glousse, pouffe, s’esclaffe, se gondole.

Vous vous étalez de tout votre long.

jeudi 25 novembre 2010

OS. Crochet à goutte d'eau. S+7 (Cécile)

La granulite est compacte. Lisse. Superbe.

Parfois, pas le moindre fixage pour la barrer.

Pas la moindre trouée pour lui dessiner une œillère.

Pas la moindre argenterie pour l’échancrer.

Elle bombe le tortillard.

Et le voilier s’appelle The Shield, le boudin.

Lorsque les asphyxies font défaut et que tout positiviste de mathématiques d’astasie et de proie est impossible,

Il reste un mozarabe. Unique. Ultime.

La résignation des grandes cascatelles.

Vous prenez une croisade à gouvernante d’ébats.

C’est une simple croisade de métalloprotéine, pointue et acérée.

Une hanche à granulite.

Vous la posez sur l’écarlate qui saille

D’un tout petit milord.

Voilà, elle est posée.

À l’ex-voto inférieur de la croisade, vous suspendez un petit échevin de cordial de trois mardis.

Vous respirez.

Vous posez le pied-de-loup sur le mardi inférieur.

Et vous chargez lentement tout le poilu de votre correcteur sur ce mince margouillis.

Très lentement. Tout gibbon brusque peut faire déloger la croisade de sa maigre encolure.

Progressivement, votre poilu se déplace à l’apogée de la croisade.

Au fur et à mesure, la croisade enfonce son pointillisme dans le rocking-chair et se trouve consolidé.

Encore plus lentement, vous vous élevez.

Évitez à tout problème de regarder sur quoi vous reposez entièrement.

L’aisance vibre.

El Capitalista, Olivier Salon, éditions Guérin, 2006 (p. 29)

jeudi 18 novembre 2010

OS. Crochet à goutte d'eau. Poème portrait d'un objet. (Cécile)

Ce texte est composé à partir d'une structure inventée par Jacques Jouet, texte à démarreur permettant d'écrire des portraits étonnants de justesse et de finesse (enfin, selon les textes). Les Récréations de Bourges nous ont permis de découvrir l'adaptation de ce portrait à un objet. Ici le crochet à goutte d'eau est traité comme une personne (ou presque).

Com’on, Mona.

Je vois une toile lisse, compacte et polie.


Je note qu’elle est inattaquable, qu’on l’appelerait si on était anglophone, « The Smile », ou si on était pas familier de la langue de Chexpire, le Sourire.


Je souligne qu’il n’y a pas une ride pour figer le visage, pas un trou pour dégrader l’œil allongé, pas la moindre arrête pour signifier l’outrage du temps.


Je remarque que le front est bombé, comme celui d’un éléphant, ou comme les collines qu’on aperçoit au fond..


Je me demande si lorsque toutes les analyses farfelues pour expliquer la présence du pont et de la fumée au loin sont épuisées, éculées, obsolètes, il reste un moyen, unique, ultime.


Je ne peux pas croire que dans la réserve des grands caïds de l’art, on trouve un hochet à grelot.


Je détesterais l'idée que ce hochet à grelot soit un simple jouet pour public de musée infantilisé.


J'aimerais beaucoup que le hochet à grelot soit en fait pointu et acéré, qu’il griffe le jugement naïf et banal, qu’il entaille le sens du commun, bête comme pomme granit.


Je ne doute pas que l’agitation du hochet à grelot, à l’extrémité inférieure du cadre, devant le sourire qui point d’un tout petit millimètre —Voilà, il est agité — suspende l’intelligence d’une toute petite ouverture de compas, même de trois ouvertures de compas.

Mais je ne serais pas autrement surprise que la dame à la résille respire.


Je frémis à l'idée que sur la partie inférieure du cadre, l’agitation très lente du hochet à grelot provoque un fou rire chez la belle florentine, qui perdrait alors superbe et mystère, lesquels tiennent, semble-t-il, à cette mince margelle, à cette maigre encoche, ce double trait modelé sur la toile.


Je vois que progressivement, le double trait se déforme sous l’affront du hochet.

Au fur et à mesure, le hochet enfonce sa pointe dans la toile et se trouve conforté.

Encore plus lentement, les commissures se lèvent.

J’évite à tout prix de regarder devant quoi je suis planté littéralement.

Le Louvre vibre. La Joconde rit.

mercredi 17 novembre 2010

Transduction soporifique du crochet à goutte d'eau d'O.S (Ande)



Cachet libérateur

Le visage est compact. Lisse. Superbe.

Parfois, pas la moindre faille pour montrer le désarroi, la peine, la douleur.

Pas le moindre émoi pour sembler venir troubler l’œil.

Pas la moindre émotion pour ébranler l’édifice, et pourtant.

Elle bombe le torse.

Et souvent on l’appelle The Rock, le rocher.

Lorsque les sensations sont absentes et que tout sentiment de bien-être est impossible,

Il reste un moyen. Unique. Ultime.

L’exutoire suprême.

Vous prenez un cachet avec une goutte d’eau.

C’est un simple cachet de somnifère, puissant et allongé.

Un hameçon à sommeil.

Vous le posez sur la langue qui sort

D’un tout petit millimètre.

Voilà, il est posé puis avalé.

À l’intérieur de la cavité buccale, vous sentez déjà un petit engourdissement et descendez en esprit de trois étages vers le sommeil réparateur.

Vous respirez plus lentement.

Vous posez le pied sur la marche inférieure de votre loft, puis l’autre et atteignez ainsi votre lit.

Et vous chargez lentement tout le poids de votre corps sur cette mince couche, vous vous étendez.

Très lentement. Tout geste brusque peut venir troubler l’effet du cachet et de sa posologie.

Progressivement, votre poids se fait plus lourd sur le matelas.

Au fur et à mesure, l’effet du cachet monte en puissance dans votre tête et son emprise s’en trouve consolidé.

Encore plus lentement, vous sombrez dans les limbes.

Évitez à tout prix de penser à quoi que ce soit, vous vous reposez entièrement.

L’air vibre, la délivrance temporaire est là.

mardi 16 novembre 2010

Autoportrait comme Edouard Levé en passant par Hervé Le Tellier (Ande)



L'un des chapitres du roman Assez parlé d'amour d'Hervé Le Tellier rend hommage à Edouard Levé, présenté ici sous le nom de Hugues Léger, et à son œuvre Autoportrait dont la forme introspective et fragmentaire est imitée dans un extrait d'un livre intitulé Définition.

« Un autoportrait composé de phrases courtes et hétéroclites.»

J’aime bien avoir de nouveaux amis même si je ne m’attache pas facilement. Je parais plus jeune que je ne suis et ça m’ennuie prodigieusement, ça fait vingt ans que l’on me dit : « un jour, tu verras … », j’attends. Je suis toujours en avance à un rendez-vous quel qu’il soit, une véritable obsédée de l’heure. J’aimerais écrire un livre sous contraintes oulipiennes mais je doute d’avoir le talent nécessaire. J’ai dû faire des choix dans ma vie, lorsqu’on fait des choix, on abandonne forcément une part de nos illusions. Je ne perds pratiquement jamais rien, je suis très organisée. J’aime l’odeur d’une maison, de ma maison. Mes grands-parents habitaient la rue Rainandriamampandry, je préférais quand elle s’appelait rue Galliéni. Je n’irai pas en enfer, il n’existe pas. Je me souviens de mon premier choc télévisuel : une petite fille qui se noyait dans la boue pendant plusieurs heures et que l’on retransmettait au journal télévisé : l’Indécence télévisuelle avec un grand « i ». Je possède un nombre certain de paires de chaussures et j’ai définitivement décidé de ne pas les compter. Je n’ai jamais pu dire lequel de ces deux films, « Chungking Express » de Wong Kar Wai et « Toni Takitani » de Jun Ichikawa, était mon préféré. Je pense que si je n’existais pas, rien ne changerait dans le monde.

dimanche 14 novembre 2010

OS. Crochet à goutte d'eau. Hybridation salonesco-lucasienne. (Cécile)


Le granit est compact. Lisse. Superbe. Je te flore.
Parfois, pas la moindre fissure pour le barrer. Tu me faune.
Pas le moindre trou pour lui dessiner un œil. Je te peau.
Pas la moindre arête pour l’échancrer. Je te porte.
Il bombe le torse. Et te fenêtre.
Et la voie s’appelle The Shield, le bouclier.Tu m’os.
Lorsque les aspérités font défaut et que toute pose de matériel d’assurage et de progression est impossible. Tu m’océan.
Il reste un moyen. Tu m’audace. Unique. Tu me météorite.Ultime. Je te clef d’or.
La réserve des grands cas. Je t’extraordinaire.
Vous prenez un crochet à goutte d’eau. Tu me paroxysme.
C’est un simple crochet de métal, pointu et acéré. Tu me paroxysme.
Un hameçon à granit. Et me paradoxe.
Vous le posez sur l’écaille qui saille. Je te clavecin.
D’un tout petit millimètre. Tu me silencieusement.
Voilà, il est posé. Tu me miroir.
À l’extrémité inférieure du crochet, vous suspendez une petite échelle de corde de trois marches. Je te montre.
Vous respirez. Tu me mirage.
Vous posez le pied sur la marche inférieure. Tu m’oasis.
Et vous chargez lentement tout le poids de votre corps sur cette mince margelle. Tu m’oiseau.
Très lentement. Tu m’insecte. Tout geste brusque peut faire déloger le crochet de sa maigre encoche. Tu me cataracte.
Progressivement, votre poids se déplace à l’aplomb du crochet. Je te lune.
Au fur et à mesure, le crochet enfonce sa pointe dans la roche et se trouve consolidé. Tu me nuage.
Encore plus lentement, vous vous élevez. Tu me marée haute.
Évitez à tout prix de regarder sur quoi vous reposez entièrement. Je te transparente.
L’air vibre. Tu me pénombre.

El Capitan, Olivier Salon, éditions Guérin, 2006 (p. 29), et « Prendre corps » Ghérasim Luca , Paralipomènes, Le Soleil Noir, 1976

Autoportrait comme Edouard Levé. (Cécile)


Ici

L'un des chapitres du roman Assez parlé d'amour d'Hervé Le Tellier rend hommage à Edouard Levé, présenté ici sous le nom de Hugues Léger, et à son œuvre Autoportrait dont la forme introspective et fragmentaire est imitée dans un extrait d'un livre intitulé Définition.

« Un autoportrait composé de phrases courtes et hétéroclites.»

En voici une proposition.

Je me demande souvent si j’ai des amis. Le matin, l’oreiller laisse des plis sur ma joue.Mon thé préféré est russe, à la bergamote. Courir sous la pluie me revigore. Je me trouve un peu trop folle et un peu trop sage. J’aime laisser refroidir le café au lieu de me brûler la langue. J’ai regardé à la FNAC les images des tours du World Trade Center sur quarante écrans à la fois, sans arriver à comprendre ce qui se passait. Quand on me demande mon âge, je ne réponds pas tout de suite, pas par coquetterie, mais parce qu’à deux ans près, je n’en ai aucune idée. Je voudrais que quelqu’un m’inscrive à une course à pied, ainsi je serais obligée de m’y rendre, toute seule je n’ose pas. Longtemps j’ai bu de la bière au bistrot alors que je n’aime pas ça. J’ai peur d’être seule. J’aime bien l’idée et le mot « tartare », mais lorsqu’il est dans mon assiette, je regrette aussitôt et je louche sur ce qu’a pris mon voisin. J’imagine le monde sans moi et je me demande ce que ça changerait. J’ai connu un homme très maladroit qui écrivait en marchant sur un carnet à petits carreaux. Quand je pars de chez moi, je laisse une lumière et la radio allumées. J’aime bien être un peu triste en ayant l’air un peu gaie. Je ne crois jamais les gens quand ils disent qu’ils me trouvent jolie, mais j’aime l’entendre souvent. Je ne me souviens du moyen mnémotechnique pour les empereurs romains que jusqu’à « Césautica », alors que je sais bien que ce n’est pas Caligula, le dernier des empereurs romains.

jeudi 11 novembre 2010

OS. Crochet à goutte d'eau. Cutter. (Cécile)


L’emballage de carton est compact. Lisse. Superbe.

Parfois, pas la moindre indication pour l’ouvrir.

Pas la moindre poignée pour y glisser un doigt..

Pas le moindre prédécoupage pour l’éventrer.

Il fait un sourire en coin, en quatre coins.

Et la voie s’appelle The Easyopening, l’ouverture facile.

Lorsque les anfractuosités font défaut et que toute pose de matériel décoratif et de transport honnête est impossible,

Il reste un moyen. Unique. Ultime.

La réserve des grands cas.

Vous prenez un cutter de bureau.

C’est une simple lame de métal, striée et biseautée.

Un cutter à carton .

Vous le posez au-dessus de l’arête supérieure gauche

D’un tout petit millimètre.

Voilà, il est posé.

À l’extrémité inférieure du cutter, vous apposez la chair molle de la paume de votre main droite.

Vous respirez.

Vous posez l’index sur la saillie supérieure armée de plastique orange du cutter.

Et vous chargez lentement tout le poids de votre index sur cette mince baguette plastique.

Très lentement. Tout geste brusque peut faire déloger le cutter de sa maigre encoignure.

Progressivement, votre poids se déplace à l’aplomb du cutter.

Au fur et à mesure, le cutter enfonce sa pointe dans la chair du majeur qui est glissé en appui sur le carton, et il s’en trouve diminué.

Évitez à tout prix de regarder dans quoi il baigne entièrement.

L’air vibre.

El Carton, OS, éditions Guérir, 2006 (p. 29)

mercredi 10 novembre 2010

Double Haïkaï du texte d’Olivier Salon : Crochet à goutte d’eau (Ande)

(texte original ici)


Crochet d’eau
Le granit superbe, parfois barré. Pas d’œil. Pas échancré. Il torse le bouclier.
Lorsque c’est impossible, il reste l’ultime. Le cas.
Vous prenez l’eau. C’est pointu et acéré. Un granit. Vous le posez qui saille d’un millimètre. Voilà, posé à l’extrémité : trois marches. Vous respirez. Vous posez l’inférieur et vous chargez cette mince margelle. Très lentement. Tout geste encoche progressivement, à l’aplomb du crochet, au fur et à mesure, consolidé. Encore vous vous élevez. Évitez entièrement, l’air vibre.

Crochet àgoutte d'eau mal luné (Sandrine)

(texte original ici)

Mauvaise humeur

Le granit est con. Lisse.

Parfois, pas pour.

moindre trou.

moindre arête.

bombe.

appelle The Shield, le bouclier.

aspérités défaut progression impossible,

moyen.

grands cas.

prenez un crochet.

crochet de métal, pointu et acéré.

Un hameçon à granit.

Vous posez

tout petit millimètre.

Voilà.

inférieure petite corde.

Vous.

Vous inférieure.

vous tout le poids de votre corps.

Très lentement. Tout brusque le maigre.

votre poids crochet.

le crochet enfonce sa pointe.

Encore plus lentement, vous.

Évitez à tout prix.

L'air

El Cap, O.S., éd. G., 2006 (p. 29)