samedi 25 avril 2009

Robert Franck, Atelier photo (Ande)




Photo N°1
Qu’est c’qu’elle veut celle-là ? Elle s’fout d’ma gueule ou quoi ? Ouais j’sors de taule et alors ? J’flotte dans mes nippes, j’ai pas bouffé à la Centrale … T’es contente, hein ? Faudrait pas voir à m’emmerder because moi les emmerdeuses j’les rectifie, j’les dynamite …
Bon, j’m’en vais m’tirer d’là avant d’lui exploser le portrait !

Photo N°2
Ah Ah ! Je rigole … c’est pas qu’j’veux me foutre de toi mais moi c’que j’aime c’est planter ma chaise sur la colline à la sortie du pénitencier et regarder les types sortir de taule. Ah ! çuilà l’est gratiné, il m’regarde avec un air méchant !…ça m’fait du spectacle, y’en a pas par ici ! … z’ont peur d’leur ombre, z’ont perdu leur vie là-bas ! Allez va, j’arrête de le regarder, j’voudrais pas qu’tu t’emballes, coco ! Ciao mon gars et sans rancune !

mercredi 22 avril 2009

Robert Frank, atelier photo (Sandrine)


Même exercice qu'ici.

Beaufort (Caroline du Sud), le 17 Septembre 1955

Cher Robert,

J’ai retrouver cette photo de vous que vous m’aviez envoyé avec votre première lettre, il y a six an. Je vous la retourne. Merci encore pour votre aide morale pendan toutes ces année, merci aussi pour votre compréantion et votre passience, mais maintenant je n’en ai plus besoin. C’est la première et dernière fois que je vous répont. Je suis sorti il y a une semaine du pénitenssier et je compte bien commencer une nouvelle vie. Quand vous lirez ces lignes, je serait loin. Pour que vous pouvez quand même savoir à quoi je ressamble vu que vous avez écrit souvent mon nom, je vous envoi une photo prise le jour de ma sortie. J’espère que vous ne serez pas surpris de voir la couleur de ma peau. Je ne savait pas comment vous le dire, c’est pour ca que je vous ai jamais écrit ; j’avait trop peur que vous ne m’envoyer plus de courrié. La photo a été prise dans le champ de coton où les flics m’avaient arrêtée – vous connaissé l’histoire. Imaginer que la dernière photo que j’avait de moi datait de ma première communion. Quand mon frère a pri la photo, je savait déjà qu’il faudrait bien vous écrire pour vous dire, et aussi que je partirait avant votre arriver à Beaufort. Pas la peine, donc, de me répondre au foyé. Faut pas m’en vouloir. Essayé de restez libre.
Lucy
PS : Je donne ma lettre à traduire en français à mon amie Christine parce qu’elle sait bien y faire vu que sa mère abite à la Nouvelle Orléan.


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Paris (France), le 18 octobre 1955

Madame, Monsieur,


Nous sommes au regret de vous annoncer que votre lettre en date du 17 septembre dernier n’a pu être délivrée.

Aucun individu nommé M. Robert Frank n’a jamais habité à l’adresse indiquée.
Nous vous retournons donc votre enveloppe cachetée en vous priant de bien vouloir vérifier l’adresse du destinataire de votre courrier.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.

Le service des Postes et Télécommunications

mardi 21 avril 2009

Robert Frank, atelier photo (Cécile)



Télérama a eu la bonne idée de lancer un atelier d'écriture autour de ces deux photos de Robert Franck.

Alors on a rédigé une nouvelle qui relie les deux photos, en commençant par l'une ou l'autre, dans la limite de 3000 caractères.

Elle est plantée au milieu de nulle part. Elle rit de la croix qui est plantée derrière elle, c’est là que les blancs pensent que Robert Johnson a rencontré le diable. Et inventé le rock’n roll. Elle rit aussi, elle s’en balance, elle pense au blues, elle pense que le blues, c’est l’œil le plus bleu, elle pense à Tony Morrison. Elle se repose un peu aussi. Elle se dit que si Robert Johnson avait été blanc, qu’est-ce qui se serait passé ? Que si un jour il y avait un président noir… elle pose un poing fermé sur sa hanche lourde. Elle sourit. On dit de ces bêtises. Si Robert Johnson avait été blanc, alors il aurait vécu à Paris, dans la brume. Il aurait porté une chemise à jabot, comme tous les parisiens. Il aurait tellement frayé avec le diable dans des quais interlopes, qu’il en aurait pris l’implantation crânienne, que ses cheveux noirs formeraient un V sur son front. Un V comme… un V comme rien. Un V comme si un jour il y avait un noir qui dirigeait…. Non. Si Robert Johnson avait été blanc, il aurait quand même été inquiet et secret, mélancolique à jeun et porté sur les femmes le reste du temps. Il aurait été sur le point de fuir, un maigre bagage à la main, un long cache poussière traînant au sol, cache poussière, cache misère, cache détresse. Si Robert Johnson avait été blanc, un V de lumière renverserait son crâne, un V possible, un V à croire. Si Robert Johnson avait été blanc, le rock aurait été une musique pour tous, le blues ne chanterait pas l’œil le plus bleu, le prix Nobel de littérature aurait été possible pour les noirs.

Il fuit Paris. Il porte à la main un maigre bagage. Son implantation l’a longtemps fait surnommer Bela Lugosi. Il se dit que Paris, il ne peut plus. Que la ville est devenue folle. Que le continent a la rage. A défaut de l’abattre, il faut fuir. Il fuit l’Europe malade. Il a déjà tout perdu. Il laisse ici sa musique, il laisse son violon, ses cadavres, il emporte ses peurs, ses nuits sans sommeil, ses yeux creux. Il ne sait pas que là bas, il trouvera la musique, il trouvera d’autres yeux creux, il trouvera une terre sur laquelle se fond un corps massif, assis sur une chaise, au milieu de nulle part. Une chaise au milieu de nulle part, comme partout on trouve. Une tête pleine de rêves monochromes qui se détache sur un ciel sans nuage. Il fera aussi des rêves monochromes. Il découvrira Robert Johnson. Il jouera. A vingt-huit ans, il se fera assassiner.

lundi 13 avril 2009

Les Fabulistes (Ande)


Mots imposés : Fusible et réfugié


Le réfugié et le fusible façon « cigale et fourmi »
Le Réfugié, ayant zoné
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvu
Quand l’hiver fut venu :
Pas un seul petit morceau
De lardon ou de jambonneau.
Il alla crier famine
Sur le palier de sa voisine,
La suppliant de lui prêter
Un petit pain pour survivre
Jusqu'aux subventions prochaines.
« Je vous paierai, lui dit-il,
Avant l'Août, foi d'Amiral,
En fusible ou en cristal »
« En fusible » dit-elle rêveuse :
« C’est pas vraiment très réglo !
Mais que faisiez-vous à Yenakiyevo ? »
Dit-elle à ce tapeur, moqueuse.
« Nuit et jour à tout venant
Je glandais, ne vous déplaise. »
« Vous musardiez ? J'en suis fort aise.
Eh bien! Crevez maintenant. »


Le réfugié et le fusible façon « corbeau et renard »
Roumain clandestin, a Sangatte installé,
Tenait dans sa main un fusible.
Amiral ou Général par l'ardeur habitué,
Lui tint à peu près ce langage :
« Et toi pauv’réfugié.
Tu es fait! Tes papiers sont faux!
Sans mentir, si ton seul héritage
Se rapporte à ton unique paquetage,
Tu seras le phénix des hôtes de notre taule»
Le réfugié que ces mots ne console ;
Et pour montrer sa bonne foi,
Lui donne son fusible à la noix.
Le Général s'en saisit et dit : « triste va-nu-pieds,
Apprends que tout glandeur
Vit aux dépens de celui qui l'héberge :
Cette leçon vaut bien un fusible sans doute. »
Le réfugié honteux et confus
Jura mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus (et pour cause !).

dimanche 12 avril 2009

Les fabulistes, Sandrine (2)

Enoncé de l'exercice ici. Titre imposé par le hasard du dictionnaire.


La devanture et l’institution

Madame Devanture étalait toujours tout
Elle allait en voiture, exhibait ses toutous.
Madame Institution ne s’habillait qu’en gris
Pour elle pas question d’être autre que souris.
Devanture plaisait, de bijoux toute ornée
Institution râlait, tas de papiers cornés.

Mais quand la coquette dut remplir formulaire
Elle se mit en quête : « Amie patibulaire
De ton aide ai besoin pour ravaler façade
Faire tirer les coins de mes yeux trop maussades.
Sans ton secours je ne sais pas où obtenir
Pour mon coup de jeune le permis de construire. »

La mégère cracha : « Tu m’appelles bien tard
La réforme déjà a frappé. Les avares
Ont supprimé l’impôt qui me tenait debout.
Centrée sur ton ego, croqueuse par deux bouts,
Jamais ne t’es souciée plus loin que ta vitrine
Jamais n’as remarqué qu’on me jette aux latrines.
Comme tu dis si bien, je vais fermer boutique
Ne me demande rien, je meurs de toi mutique. »

Devanture vieillit, elle se lézarda
Son bel aspect terni, son bail se bazarda.

Morale à méditer à vos heures perdues :
Trop de bling-bling un jour se retrouve à la rue.

Les fabulistes, Sandrine (1)


Le Retour des Fabulistes, jeu proposé sur le forum des Papous dans la tête. Il s'agit d'écrire une fable avec morale au début ou à la fin, dont le titre et les personnages principaux sont deux substantifs piochés au hasard du dictionnaire. Ici: dénégation et oreillette.




La dénégation et l’oreillette


C’était un jour, in y avait pnusieurs monsieurs qui travayaient tous dans ne même bureau. D’ayeurs, y portaient tous ne même costume tout gris, tout triste, avec une cravate toute grise aussi, sauf qu’enne faisait encore pnus sévère que triste. Tous nes monsieurs, y z’étaient au moins trois ou douze, et puis y sont venus et puis y z’ont sonné à na porte de ma maison – qu’en fait, c’est pnutôt cenne de mon papa et de ma maman.


D’abord, in y a ne premier monsieur, in n’a rien dit du tout. Et puis après, in y avait un autre monsieur, que nui, in a dit quekchose, mais je sais pnus quoi. Et puis après, in y avait encore un autre monsieur et nui, je me rappenne ce qu’in a dit, même que c’était quekchose qu’après, eh ben ma mère enne disait qu’enne était « toute retournée ». Et mon papa, pendant ce temps, nui aussi in avait un drône d’air, dis donc. En tout cas, na voiture aux monsieurs, enne était encore pnus grande que nes voitures que mon papa y regarde dans nes magazines qu’in achète même que maman enne nui dit toujours qu’in ferait mieux de passer n’aspirateur pnutôt que de nire ces bêtises que de toute façon, on n’a pas nes moyens. Mais mon papa y s’en fout et puis y nit quand même ces bêtises. Anors bon, quand nes monsieurs y sont partis avec neur grosse, grosse voiture, forcément, mon papa y nes a regardés drônement nongtemps même quand y z’étaient déjà partis. Après, ma maman, enne m’a pris sur nes genoux et enne m’a dit que c’était drônement bien parce que nes monsieurs, c’était une dénégation du ministère de na guerre et que papa, in annait pouvoir anner jouer avec d’autres monsieurs gentils avec un uniforme et puis des étoines accrochées sur n’épaune et que mon papa ce serait ne pnus beau.


Anors moi j’ai pneuré parce que je vounais pas que mon papa in aye jouer ayeurs et puis papa in n’aime pas trop jouer parce que quand on joue ensembne, je vois bien qu’in est pas trop content de jouer. Maman, enne s’est fâchée : « Oreillette », qu’enne a dit, et nà, je savais qu’enne était en conère, parce que sinon, enne ne parne jamais de mon appareil dans n’oreye pour mieux entendre ce qu’y disent nes gens, « Arrête un peu ton cirque. » De toute façon, na dénégation, on pouvait pnus rien changer etc. etc. mais moi j’ai pas tout entendu, parce que je pneurais vraiment fort. Mon papa, in est parti avec ses copains nes monsieurs du ministère de na guerre, in n’ont envoyé un peu noin pour jouer à cache-cache.


Et puis mon papa, in est vachement ne pnus fort, parce que y s’est caché sous un gros, gros cayou avec une croix où nes monsieurs, in ne pouvaient pas ne trouver. Je sais pas comment maman enne a su que mon papa in était sous ne gros cayou, mais des fois, on va ne voir en secret, et puis même on doit pas faire de bruit pour pas que nes monsieurs y trouvent mon papa. Moi, je trouve ca bizarre parce que y peuvent ne trouver quand même vu que ma maman, enne nui apporte des fneurs et qu’enne nes pose sur ne cayou et que même des fois, enne pneure fort, parce qu’enne voudrait que mon papa y sorte de sa cachette mais je crois que maintenant, mon papa in aime mieux jouer qu’avant, parce que y sort quand même pas.


Moralité : Mieux vaut expliquer les choses à un enfant qui fait la sourde oreille, la dénégation peut en effet lui être doublement néfaste, elle risque de provoquer en lui un trop-plein de N et de lui couper les L.


mercredi 8 avril 2009

Logorallye puissance 12 (Cécile)


Mièvreries

Dans ces rêves directement issus de collections roses à bon marché, tout est miracle, tout reste à exaucer, le décor est celui d'un conte, où trois hommes dans un bateau sont des brigands échappés, où le sourire étrusque se confond avec les mièvreries de Shéhérazade, où 53 jours deviennent mille et une nuits, où quand on a la nuit devant soi, on a la vie devant soi. Je me souviens de ces rêves, parlements de princes maures morts à Venise, de ces décors de Carnaval où de belles marquises soupirent sous les ponts, boivent les billets pestilentiels de Casanovas à la manque, où la petite entreprise consiste à contenir un regard outremer dans des vers de mirliton, "vos beaux yeux, belle marquise, d'amour me font mourir", où on tient dans le mépris le calcio et l'angoisse du gardien de but au moment du pénalty. Là, l'acqua alta vous met les pieds dans l'eau, on ne sait rien du petit vélo à guidon chromé au fond de la cour des miracles, on livre une joute silencieuse et concupiscente dont l'issue n'a rien à envier à celle du rivage de Nausicaa, des Parques, des Syrthes.

Espèces d'espaces (Roger invité par Cécile)

Dénominer

En passer une est toujours quelque chose d’un peu émouvant : une imaginaire, matérialisée par une de ça(…) suffit pour tout changer, et jusqu’à lui même : c’est le même, c’est la même, mais elle n’est plus tout à fait la même, celle-ci d’eux change, celles-la ne ressemblent plus tout à fait à ce que nous appelions, celui avant, celles-la, ceux-ci ne l’ont plus même…

Nom d’une frontière

Frontière…limite…frontière…bois…paysage…air…terre…route…graphie…panneaux…boulangeries…instant…boulangeries…pains…forme…

Logorallye puissance 12 (Roger invité par Cécile)

Si ma phlébite t’excite, presse ma bitte » suggéra le petit-fils de marin.
-Ben voyons, etpuisquoiencore, çà nous manquait, tu nous fais chier avec ton orthographe, espèce de dactylographe.
-Je dois m’expliquer, ce n’est pas drôle, mais c’est une réalité, j’ai mal, aux jambes, aux bras, aux pieds, je bois, je bois, ça va bien, je rebois, ça me fait mal, j’ai mal aux veines, ça ne circule plus, alors, je me fais couler un bain froid, les pieds dans l’eau, et hop, je bois , je bois, j’ai la vie devant moi, alors je rebois et j’ai remal… alors, je m’allonge, j’essaie d’oublier mon mal.
-T’as qu’à moins boire.
-Ouais, c’est ça. Je m’allonge, et je me souviens, je me souviens d’un temps sans varices, sans hémorroïdes, sans flatulences pestilentielles, je me souviens d’un temps où je n’avais pas mal aux jambes, où je tentais de faire du vélo, un petit vélo que j’allais chercher au fond de la cour, un petit vélo d’un bleu outremer avec une selle en cuir, une sonnette rose et un guidon chromé, des pédales qui venaient d’Italie, de Tarquinia, d’une petite entreprise, disparue aujourd’hui, Au sourire étrusque, avec cette femme allongée gravée dans l’acier, un sourire que je trouvais sensuel voire concupiscent aux lèvres, sur des pédales…Et je tentais, je tentais de trouver un équilibre, d’y aller, de me propulser, je tentais de faire du vélo, de tenir…Je priais le parlement des dieux des cyclistes qu’il exauça mes vœux, je fis des collections de poèmes à la gloire du cadre :
« Oh vous, Dieux de la pédale,
Faites que je soupire, triomphant,
Sans effort , y’a que dalle
Le vélo, c’est décoiffant »
Je voulais tenir, bien, l’esprit ailleurs, sans angoisse, sans celle du gardien de but avant le penalty, ou celle du premier baiser. Cinquante-trois jours ! Ça m’a pris cinquante-trois jours avant que je n’y arrive ! Après le miracle de la stabilité, j’avais un sourire fat aux lèvres, un sourire de mépris pour ceux de mon age qui n’y arrivaient pas, à pédaler comme moi, si loin, si vite, sans mal aux jambes. Et vint la première chute dont je garde encore le souvenir dans ma chair, chute qui me couvrit d’onguents, de pommades, comme un vieux débris promis à une mort à Venise, à Tarquinia ou à Sancergues…J’allais sur les routes, la tête au vent, libre, sans contrainte à la con, les bras parfois ballants, écrasant de tout mon poids ces petites dames étrusques, rêvant d’aller jusqu’à la mer, loin, là-bas, derrière les collines, mais je n’accédais en fait de rivage des Syrtes ou des Thraces qu’aux berges enherbées de la Vauvise, petite rivière que mon marin de grand-père aurait dédaignée, impraticable aux trois hommes dans un bateau qu’il avait coutume de commander
-Mais la bitte ?
-Je suis vieux mirliton et petit-fils de marin, vous comprenez bien…