lundi 22 septembre 2008

Transduction de l’enseignant (Sandrine)


Transduction de « Descendre » (tiré de Paul Fournel, « Besoin de vélo »)





ENSEIGNER

Enseigner me rassemble. L’enseignement réunit l’adulte et l’enfant qui sont en moi. Chaque leçon à une classe est une sorte de slalom géant, avec ses pertes d’attention, ses accélérations et son indispensable sens de l’anticipation.

Pour être un bon enseignant, il faut avoir une connaissance profonde de l’enfant, une sorte de complicité avec les parents de la FCPE, une approche instinctive et rapide des élèves. Chaque élève est un dessin et chaque leçon est un dessin dans le dessin.

Les élèves turbulents dictent leur loi au groupe à coups de dissipation et de provocation, mais les plus appliqués épousent les mouvements de la dictée et de la conjugaison.

Lorsqu’on entre vite dans une thématique sans visibilité il est impératif d’avoir une idée intuitive de sa fin. L’expérience est donc primordiale. Plus on enseigne, plus vite on enseigne.

Il faut être vigilant et en forme. L’enseignement est le contraire du laisser-aller. C’est pourquoi mon admiration est grande pour les professeurs qui, après une bataille terrible dans des esprits rétifs, basculent à fond sur une autre leçon.

Les grands enseignants sont des êtres bizarres dont il faut apprendre à se méfier. J’en ai suivi quelques-uns. Ils ne sont pas forcément méchants, mais leur virtuosité peut les transformer. Tout se passe comme s’ils voulaient endormir leurs classes. Ils se mettent devant et donnent confiance et puis, d’un coup sec, celui qui tentait de leur échapper se retrouve au coin, au tableau, en retenue. Il y a quelques hommes qui tournent là où tous les autres vont tout droit. Il est bon de le savoir.

Le plaisir de faire comprendre un texte que vous avez mille fois étudié, c’est de l’interrompre le moins possible, retarder les interruptions, entrer le plus vite possible dans son corps, le lire en bonne ligne pour attaquer les phrases, tracer un dessin impeccable et lui donner le rythme d’une musique. On peut chanter en enseignant.

On peut faire cela à vitesse moyenne et y trouver grand plaisir.

Si l’on est fatigué, en revanche, ou simplement émoussé, les heures de cours peuvent paraître interminables. Si l’ennui s’en mêle et engourdit les pensées, si l’indiscipline s’en mêle et neutralise la classe, si le soleil étire la récréation, enseigner peut être pénible.

Je me souviens d’une heure de cours au Ventoux par un matin ensoleillé qui m’a distrait à Malaucène, incapable de me concentrer, incapable – ce qui est encore pire – de retrouver la moindre trace du plaisir de la connaissance.

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