samedi 27 septembre 2008

Transduction
Créée par
Raymond Queneau
Définition
A partir d'un texte donné, substituer aux substantifs de ce texte d’autres substantifs pris dans un lexique spécialisé différent.
Raymond Queneau a ainsi traité un article du mathématicien David Hilbert, Les Fondements de la Géométrie, en remplaçant les mots : “ points, droite, plan ” du texte source par les mots “ mots, phrases, paragraphe ”.
Exemple : deux axiomes
I, 1 : Il existe une phrase comprenant deux mots donnés.
I, 2 : Il n’existe pas plus d’une phrase comprenant deux mots donnés.
Variante : le S+n orienté : choisir uniquement les mots qui appartiennent à un domaine préalablement déterminé (ex : mots du vocabulaire politique, culinaire, sexuel, garagiste, littéraire, etc.).



Texte de départ : extrait de « besoin de vélo » Paul Fournel
Exercice proposé : la transduction (créée par Raymond Queneau)


Descendre

Descendre me rassemble. La descente réunit le skieur et le cycliste qui sont en moi. Chaque descente à vélo est une sorte de slalom géant, avec ses passages fins, ses freinages et son indispensable sens de l’anticipation.

Pour être un bon descendeur, il faut avoir une connaissance profonde de la route, une sorte de complicité avec les ingénieurs des Ponts et Chaussées, une approche instinctive et rapide des lieux. Chaque route est un dessin et chaque descente est un dessin dans le dessin.

Les routes modernes dictent leur loi au terrain à coups de bulldozers et de dynamite, mais les plus anciennes épousent les mouvements du sol et de la montagne.

Lorsque l’on entre vite dans un virage sans visibilité il est impératif d’avoir une idée intuitive de sa fin. L’expérience est donc primordiale. Plus on descend, plus vite on descend.

Il faut être vigilant et en forme. La descente est le contraire du laisser-aller. C’est pourquoi mon admiration est grande pour les coureurs qui, après une bataille terrible dans la montée, basculent à fond sur l’autre versant.

Les grands descendeurs sont des êtres bizarres dont il faut apprendre à se méfier. J’en ai suivi quelques-uns. Ils ne sont pas forcément méchants, mais leur virtuosité peut les transformer. Tout se passe comme s’ils voulaient endormir leurs adversaires. Ils se mettent devant et donne confiance et puis, d’un coup sec, celui qui tentait de les suivre se retrouve dans le fossé, au ravin. Il y a quelques hommes qui tournent là où tous les autres vont tout droit. Il est bon de le savoir.

Le plaisir de descendre une côte que vous avez mille fois descendue, c’est de freiner le moins possible, retarder les freinages, entrer le plus vite possible dans les virages, sortir en bonne ligne pour attaquer les suivants, tracer un dessin impeccable et lui donner le rythme d’une musique. On peut chanter en descendant.

On peut faire cela à vitesse moyenne et y trouver grand plaisir.

Si l’on est fatigué, en revanche, ou simplement émoussé, les descentes de col peuvent paraître interminables. Si le froid s’en mêle et engourdit les doigts, si la pluie s’en mêle et neutralise les freins, si le vent balaie la route, descendre peut être une punition.

Je me souviens d’une descente du Ventoux par un fort mistral glacé qui m’a laissé tétanisé à Malaucène, incapable de me réchauffer, incapable – ce qui est pire encore – de retrouver la moindre trace du plaisir de la montée.

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