dimanche 16 janvier 2011

Transduction de "La pomme de terre", de Ponge (Cécile, 2)



Ecrire un texte oulipien de bonne qualité est un plaisir de choix.
Entre la rondeur du sujet et la pointe de la contrainte, tenue par le codex oulipiium, l'on saisit — après l'avoir expliquée — par l'une de ses contraintes internes cette rêche et fine règle d’écriture que l'on tire à soi pour la détacher de la chair appétissante de l’Oulipo.
L'opération facile laisse, quand on a réussi à la parfaire sans s'y reprendre à trop de fois, une impression de satisfaction indicible.
Le léger bruit que fait la plume en glissant sur le papier est doux à l'oreille, et la découverte de la graphie formant paragraphe réjouissante.
Il semble, à reconnaître la perfection de la contrainte nue, sa différence, sa ressemblance, sa surprise — et la difficulté de l'opération — que l'on ait accompli là quelque chose de juste, dès longtemps prévu et souhaité par Queneau, que l'on a eu toutefois le mérite d'exaucer.

C'est pourquoi je n'en dirai pas plus, au risque de sembler me satisfaire d'un ouvrage trop simple. Il ne me fallait — en quelques phrases sans effort — que rhabiller mon sujet, en en exploitant strictement la forme : la laissant intacte mais polie, brillante et toute prête à subir comme à procurer les délices de sa transformation.
...Cet apprivoisement de la contrainte par son traitement au dictionnaire durant cinquante ans, c'est assez curieux (mais justement tandis que j'écris la contrainte s’amollit — il est une heure du matin — sur l’écran devant moi).

Il vaut mieux, m'a-t-on dit, que la contrainte soit salée, sévère : pas obligatoire mais c'est mieux.
Une sorte de vacarme se fait entendre, celui des bouillons des mots. Ils sont en colère, au moins au comble de l'hébétude. Ils se déperdent furieusement en locutions, paragraphes, texticules, alexandrins, pfutte, tsitte : enfin, très ineptes sur ces lignes embrouillées.
ma contrainte, plongée là-dedans, est secouée ‘à peu près, bousculée, injuriée, malmenée jusqu'à l’erreur.
Sans doute la colère des mots n'est-elle pas à son pro­pos, mais ils en supportent l'effet — et ne pouvant se déprendre de ce labyrinthe, ils s'en trouvent profondément ratifiés (j'allais écrire ratisés...).
Finalement, ils y sont laissés pour morts, ou du moins très épuisés. Si leur forme en réchappe (ce qui n'est pas toujours, disent les lettristes), ils sont devenues plastiques, dociles. Toute résistance a disparu de leur chair : on leur trouve bon sens.
Leur ordonnancement s'est aussi rapidement différencié : il faut le régler (il est trop commun), et le plier à la contrainte...
Reste un texte oulipien et savoureux, — qui prête moins qu'à d'abord [éc]rire, ensuite à philosopher.

In, « Miettes »

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